LE JOURNAL - LE CANARD AGITE


Le Canard Agité est une revue éditée et mise en ligne par l’association Concerthau

Le Canard Agité N°4 - Mars 2007

Sommaire

Vu de l’exterieur

La Langue Française
- Morte ou Vivante ?

Espace Brassens

S.D.F.

Une Partition Magique
de Bénévoles

Richard Brautigan

Rédactrices en chef : Monique, Joë
Maquettiste : Laurent
Dessins : Alain Zarouati
Secrétaire : Nina, Corinne.
Rédacteurs : Claudette, Anne-Marie, Danièle, Léon, Joë, Mauriceia, Noura, Daniella, Miss, Magda, Alice, Souraya, Canelle, Mary,
Jean-Michel, Corinne, Marie.



 

 

 

 

 

 

Editorial

Concerthau a trouvé sa vitesse de croisière…
Les fenêtres s'ouvrent sur l'étang de Thau " toujours renouvelé ".
L'étang s'étale quand on lui donne à écouter les vers de Brassens
et ceux de Brautigan.
Il se frise quand il voit les Concerthistes défendre et illustrer la langue française.
Il s'emporte quand il apprend qu'au 21éme siècle, dans un pays aussi riche que la France, des gens n'ont toujours pas de toit et meurent de froid.
Mais il s'apaise quand il entend parmi toutes les voix conjuguées,
celles de ceux et de celles qui donnent, avec passion, de leur temps aux autres, comme le font Carole, Joe, Adèle, Evelyne, Nadine, Nadège, Anne, Jean-Michel, Jacques, Bernadette, Christelle...

Monique

 

 

 

 

 

 

 



Vu de l'exterieur

 

Je reviens dans ma ville natale.
Mes premiers pas suivent mes souvenirs d'adolescence. 1974.
Direction, la Criée !
Celle de mon enfance, ouverte à tous les regards, s'est drapée de grillage.
Fini le temps où les chalutiers s'amarraient sur son quai.
Que j'aimais cette agitation fébrile !
Les marins pêcheurs triaient le poisson, à même le pont.
Les bacs se remplissaient à l'allure grand V.
Direction, la criée !
J'étais saisie par autant de vélocité.
....................................................................
L'endroit, si fréquenté de mon enfance, est devenu mort.
Même des pinèdes sétoises, seuls quelques hectares ont été épargnés.
La Zup a gagné sur l'étang.
Les Quilles ont grignoté les salins.
Le charme de la ville de mon enfance s'est fané.
C'est curieux, je n'en suis guère étonnée, juste attristée.

Christiane

Sète est la première ville que j'ai vue dans le sud de la France.
En me promenant, j'ai trouvé que Sète était une très belle petite ville.
C'est une ville de soleil.
Depuis longtemps, je rêvais de vivre au bord de la mer.
J'aime bien les parfums des embruns, les mouettes et les goélands.
Surtout la lumière du matin, avec les levers de soleil aux couleurs tranquilles.
A Sète, j'ai été surprise par les illuminations nocturnes du mont Saint-Clair.
Sète est magique !
Les gens de Sète sont très attentionnés et sociables.
Il fait bon vivre à Sète.

Régina



Notre langue est-elle réellement en perdition ?

La langue française est parlée par 200 millions d'habitants de la planète.
A Concerthau, la langue française se porte bien ; il suffit pour s'en convaincre de se glisser au milieu de tous les participants - issus de quelque 30 nationalités - à l'heure du café. Un point commun réunit toutes les personnes qui discutent, échangent, plaisantent : c'est la langue française. Ce souci ne serait-il réservé qu'aux personnes d'origine étrangère - dans une volonté d'intégration - et aux intellectuels, enfants de Du Bellay,
engagés dans la défense de la langue française ?
La langue française ne craint pas les autres, elle en a besoin :
"Et que le Gascon y aille”, disait Montaigne, “si le français n'y suffit pas !”
Qu'en est-il cependant de la tchache des banlieues ?
Sur ce sujet les linguistes en décousent :
A. Bentolila pense plutôt que ce jargon serait d'une absolue pauvreté, une prison pour ces jeunes en rupture avec le français. J-P Goudaillier tient, lui, ce "français contemporain des cités pour une langue existentielle, où dépression et précarité riment avec expression et créativité".

 

La langue française n'est pas morte mais belle et bien vivante.

Elle a été tout simplement déroutée par les ados.
Oh oui, les jeunes d'aujourd'hui sont si paresseux qu'ils préfèrent abréger les mots par des lettres ce qui, de surcroît, les oblige à transformer l'orthographe.
Quel dommage pour eux et pour nous car si nous les laissons faire, il n'y aura plus ces belles phrases qui s'écrivent, agréables à lire et à entendre !
Oh, si seulement, ils pouvaient faire un peu d'efforts, ils se rendraient compte de la richesse qu'ils sont en train de perdre !

Philomène

Le parler du quartier Haut

- Aïe ! Ce matin, peuchère, je me suis embronchée en allant au cagadou, en voulant faire vite ! Ça m'a prise d'un coup !
Une de ces cagagnes… que je te dis que ça !
- La faute à quoi, Léonne ?
- La faute qu'hier, j'ai eu le malheur de rouziguer un morceau de royaume, sec comme un croustet et que là-dessus,
j'ai bu de la piquette passée !
- Tu aurais dû l'escamper et plutôt manger une cébette !
- Tu veux rire ? Je l'ai payé avec mes sous ! Je pouvais pas le jeter aux escoubilles !
Mais j'en suis sûre, le boulanger m'a engarcée avec un royaume de l'autre dimanche !
En plus, là-dessus, j'ai passé la nuit avec le petitou, que j'en suis toute calcinée !
- D'habitude, tu dis qu'il est brave, la nuit !
- Oui, mais il met ses ratounes en ce moment et c'est pour ça qu'il me pègue de longue !
- Et son père, il peut rien faire, lui ?
- Son père ? C'est un caraque !
- Tu as pas toujours dis ça, avant de l'emplâtrer !
- Comme tu sais bien, qu'il est une vraie cranque !
Tu te souviens de lui, quand on était petites, à l'école ? Il avait toujours la mèque au nez ! Après, à vingt ans,
alors qu'il faisait le cakou, j'aurais dû me méfier de lui, mais j'étais une cougourle !
- Oui, mais pourquoi vous vous êtes pétassés ?
- Parce qu'il me poutounetjait, tout le temps ! Il savait y faire !
- Ton mari depuis, qu'est-ce qu'il trafique ?
- J'en sais pas plus que toi ! Tu sais bien qu'il m'a laissée dans la mouscaille.
- Peuchère ! Je te plains ! Bon ! Je te laisse car j'ai du monde aujourd'hui et j'ai ma brasucade à mettre au sec car il se prépare au dehors une belle ramade, le ciel en est tout noirci !
- Tu as raison et puis, j'en ai un sadoul de parler de tout ça et patin et couffin ! Pense plutôt à me ramener un pan bagna
mais ne fais pas la cagade de lui répéter ce que je t'ai dit, des fois que ce serait autre chose qui m'aurait escagassée.
- Ne te tracasse, pas je parlerai pas du royaume.
- Dis ? Je pense à une chose, j'ai pas trouvé la fève !

Claudette

Résistance

La langue française est morte, le présentateur du JT vient de l'annoncer.
La langue française était vivante quand tout le monde pouvait la faire parler.
Faire parler la langue française.
Faire parler la langue française pour parler.
Parler pour dire, se dire.
Se dire pour être entendu.
Aujourd'hui, trop de Français n'ont pas accès à la langue française.
Aujourd'hui, trop de Français n'ont pas le droit à la parole.
La citoyenneté française n'existe plus.
Acheter et parler - ou bien - se taire.
Comme l'Amérique, aujourd'hui, la France a choisi d'acheter.
Mais la langue française, elle, n'achète rien, et, en silence, elle résiste.

Carole

 

 

Nique pas tes mots

De tous temps, les adolescents ont éprouvé le besoin de s'inventer un langage codé, du javanais au verlan en passant par le franglais, pour se démarquer du monde des adultes :
Certains choisissent de parler, à fond de train, pour qu'on ne les comprenne point, d'autres, de parler tout bas, pour qu'on ne les entende pas.
Ce ne sont pas ces stratagèmes qui me gênent. Ce sont plutôt les mauvais traitements qu'ils font subir à la langue française.
Abréviations et grossièretés tags et vulgarités sont désormais monnaies courantes dans les échanges.

Betty

 

SMS :

Gagner du temps ou masquer des lacunes ?
"Slt tu va bien trankil la forme meme pa 1pi msg sinan tu fait koi 2bo ba va si rpd bisoux "



Espace Brassens

Le Canard, escorté d'une vingtaine de Concerthistes, a été invité pour découvrir les métamorphoses de l'Espace Georges Brassens. Régine Monpays, la directrice, et toute son équipe nous ont accueillis chaleureusement, distribuant à chacun les accessoires qui allaient nous ouvrir l'univers du poète et acceptant volontiers de nous raconter la réalisation de ce nouvel Espace due à Christian Salvador, l'architecte, et J.P. Borèze, le scénographe.

Brassens aurait pu s'abstenir de son mot d'excuse* car en fait, dès que s'entrouvrent les lamelles du rideau qui brille à son effigie, il est là, entouré des siens, par sa voix qui, tour à tour, murmure ou chante à nos oreilles, dans l'iconographie, les manuscrits, et le récital - ô combien trop court ! - qu’en ultime cadeau, il nous donne.

Cet Espace qui a doublé sa surface - en s'ouvrant largement sur l'étang - donne davantage à voir, à entendre et à sourire. Il autorise une déambulation personnalisée selon qu'on veuille s'attarder sur la lecture - le canard vous recommande la lettre adressée à Pupchen, celle que chaque visiteuse a toujours rêvé de recevoir de son amoureux - écouter et réécouter les chansons, se poser sur le banc public, chanter avec l'artiste et revenir sur ses pas…

*SVP. Sauf pour une question de vie ou de mort, je ne peux pas être dérangé de mon travail en ce moment. Je suis enfermé à clef. Amitiés.
G. Brassens.

L'homme poète

Patient, poète, discret, parfois grivois à sa façon, beaucoup d'amour à donner, surtout à sa guitare, sans oublier ses amis et l'aide qu'ils lui ont apportée.
Il aimait le monde mais aussi la solitude et le calme.
L'imaginer sans sa moustache, impossible !
Un Brassens sans moustache, n'est pas Brassens !
Calme et changeant, il aimait faire la fête avec ses potes, il ne faisait jamais parler de lui et c'était pas plus mal.
Sa vie lui appartenait, il faisait ce qu'il voulait, l'anarchiste au franc parler.

Anne-Marie

Sans prétention aucune

Populaire, cet homme, simple et discret, se verra un jour auteur-compositeur-interprète, poète dans l'âme.
Rebelle, anarchiste, malicieusement gaulois, ce moustachu, chatouilleux de la guitare, a son franc-parler.
Inspiré, depuis son enfance, par les ritournelles italiennes que ne cessait de fredonner sa mère, attiré par les poètes, à l'écoute des sons, du monde, il a écrit d'innombrables chansons.
Sans fierté ambitieuse, il a gardé fidèlement ses amis et l'amour de sa vie, son éternelle fiancée.
Provocateur inné, autodidacte, son nom s'inscrit dans notre patrimoine : Georges BRASSENS.

Christiane

Hommage

Un jour, Georges Brassens, enfant Sétois,
Je suis tombée amoureuse de toi.
Quand sur la portée musicale de sable chaud,
Tu as balancé, ça et là, les mi, les la, les do,
Pour les accrocher comme des " arapettes ",
Sans renommée et sans trompette !
Alors, paroles et musiques se sont mises à chanter
Pour les bougnats, les tricolores, les damnés
Du Bon Dieu, la Jeanne et sa cane, les copains, du bord de l'eau,
Ceux qui font encore trempette dans l'Etang de Thau.
De tes pieds de vers à toi, que plus rien n'arrête,
Sont nés des poèmes chantés, effleurés de conquêtes,
Teintés de verve crue, et de verbe salé,
Jamais vulgaires et toujours inégalés !
Brassens, tu es le plus fort dans nos cœurs !
Tu as droit aux lauriers du vainqueur !
Brassens Georges, toi le têtu de Dieu,
Repose bien, là où tu sais, et si tu le peux
Ecoute ta musique éternelle dans l'air du temps,
La fauvette l'accompagne, souvent, de son chant.

Claudette

Johnny oui, Georges non

Pour moi, il n'était rien, le seul qui comptait c'est Johnny Hallyday - C'est mon idole ! Quand j'ai eu 21 ans, je suis allée en Centre ménager. Je n'ai plus écouté de musique, ça ne me disait plus rien.

Danièle

L'âme slave

Georges Brassens est poète et chanteur du monde. En Russie, beaucoup de gens écoutent ses chansons. Cette personne extraordinaire a un grand talent. Sa voix est magique. Ecoutant ce chanteur, on ne peut pas rester indifférent. Les chansons de Georges Brassens touchent mon âme.

Regina Khalilova

Brassens mis en espace…

Prendre d'abord une pipe, en principe, bien culottée
avec la tête d'un brave type, tout de go, au débotté.

Dessiner sans plus attendre, avec moult pilosité, une moustache
et un cœur tendre, sans aucune gravité, nonobstant, un rien bravache.

Ajouter pour vous tirer d'affaire, avec grâce et volupté, quelques truculences langagières,
joyeux jurons, fringants jupons et d'improbables altercations, mais dans la langue de Molière.

Poète à lyre et à chanter ses strophes par lui accordées, à la chanterelle musiquée,
il avait l'art et la manière d'écrire en vers et contre toute… bonne renommée,
l'amour, la mort, la vie, la guerre, les pandores, le mari trompé…

Admirer l'impertinent trouvère, aède de l'Ile Singulière, Sète pour ne pas la nommer.

Joe

Georges… C'est toi ?

Un poète qui aimait jouer au château d'eau avec des copains. L'école, il ne l'aimait pas beaucoup. Il se mit à écrire des poèmes. Un copain lui dit d'en faire des chansons et il devint populaire. Un jour, il décida de revenir dans son pays, et commanda un bateau dans un chantier naval de la plagette. Ce bateau s'appelait le Toi et Moi, mais ce bateau n'accosta jamais dans le canal, car Georges n'aimait pas la foule. Il l'ancrait sur un corps mort au large du chantier.

Léon



Sans Domicile Fixe

En cette fin d'année 2006 déjà tout enguirlandée des paillettes de l'élection présidentielle, qui se profile, une association " Les Enfants de Don Quichotte " a décidé de jeter sous les feux de l'actualité les problèmes des sans logis, communément nommés SDF. Il ne s'agit pas pour eux de décrocher la lune, ni de faire fortune, mais de rendre visible la part honteuse de notre société d'abondance. Ces chevaliers des temps modernes qui rêvent de plus de justice, n'hésitent pas à installer au beau milieu des places publiques des campements d'un nouveau genre.

Joe

 

La bonne soupe

J'aimerais aller vers eux. Je ferais la soupe chez moi dans ma marmite et je sortirais, avec Léon, pour la leur porter. Je discuterais avec eux pour découvrir leur vie quotidienne et leur devenir.
Je ferais leur connaissance…
Mais je rêve.
Sète est un village. Tu lèves le petit doigt et tout se sait.
Léon et moi, on est comme les S.D.F, on est montrés du doigt, on souffre, tous les deux, des moqueries, des réflexions, des racontars.
J'imagine ce que diraient les gens si j'apportais ma soupe, surtout ceux qui traversant la placette s'exclament :
-" Moi tous ces gens, je les enverrais au boulot et je mettrais le feu à leur campement ! "

Danielle

C'est pas la vie de château

A Sète, place de la mairie, loin des plages, une quinzaine de tentes accueillent, chaque jour, sans logis et résidents solidaires. Certains, pour avoir un toit, fût-il de toile, d'autres pour partager la soupe, un moment, parfois la nuit, ou juste, le plaisir de la rencontre. Des voisins apportent nourriture, vêtements chauds, un peu d'argent, une poignée de main, un sourire dans ce lieu de fraternité.

Les politiques de tous bords s'y bousculent comme aux tournois de joutes. Il est bien en ces temps d'élections d'avoir sa photo avec les pauvres. Le problème du mal logement ou du pas de logement du tout ne date pas d'hier ! Chaque prétendant au trône de France, qu'il soit aujourd'hui, roitelet sarkozyste ou princesse royaliste, sort de son chapeau de mirifiques promesses, qui, au lendemain des élections, iront pourrir comme tant d'autres, dans les poubelles nauséabondes du libéralisme.

Joe


Ce n'est qu'un au revoir

Une cape noire, une canne, un béret,
Une bouche pas assez grande pour crier,
Des yeux de visionnaire, des mains de pieux
Toute une vie consacrée à Dieu !

Une voix qui portait la parole vers le haut,
Pour les pauvres, les sans logis, ceux du ruisseau.
Il voulait secouer la République
Et faire bouger toute sa clique.

Il criait : Prenez vos cliques et vos claques !
Vos femmes, vos enfants, vos baluchons !
Je veux vous sortir de ce cloaque !
Il faut brûler vos abris de carton !

Il disait : Je vais vous aider mes amis !
Il leur avait donné son héritage.
Peu importaient sa fatigue et la maladie
Il était devenu leur père courage.

Et puis, d'espoir en désespoir, après années,
- Madame la République a-t-elle un cœur de pierre ?
Lassé, aux aurores, il s'en est allé, découragé.
Laissant des regrets aux Français, pauvre abbé Pierre.

Claudette

 


Vie de château d'un SDF

On le croise toujours au feu rouge, un feu rouge qui stoppe, pétrifie, interdit le mouvement, suspend l'élan.
Il ne le connaît plus le vert du printemps !
Témoin d'une circulation extérieure intense monstrueusement urbaine, beaucoup trop humaine malheureusement, il est là, au milieu du carrefour, au cœur de la nuit. Roi sans parole et sans divertissement, sa vie est un château de cartes, son silence est infini.
Il règne dignement sur la rue ; la rue, il la maîtrise et pourtant, aujourd'hui, il frôle l'accident. Il se laisse embarquer dans des dires, entraîner par un joli discours, emporter par des mots qui ne sont pas à lui, qui ne lui appartiennent plus, lui désormais refoulé, exclu.
Le voici, maintenant, de l'autre côté du trottoir, dans la phrase de quelqu'un d'autre !
Enivré et comme étourdi par cette drogue humaine qui l'environne, il guette une présence qui pourra le faire renaître, une parole qui saura le faire admettre !
A l'affût du moindre bruit, du moindre geste, il surprend soudain un cri : sa faim, son ventre.
Sa faim vient de le reconnaître. Sa faim est un heureux présage. Fini l'obscurité, l'aliénation, le mensonge. Fini le mutisme. Doucement, il se retrouve. Doucement il se réimprègne de lui-même et doucement, au carrefour, il décide de prendre à l'extrême gauche.

Carole



Une Partition Magique de Benevoles

Concerthau est avant tout une aventure humaine. Respect, tolérance, envie de partager ses savoirs, ses compétences, ses traditions, convivialité, sont les valeurs de l'association. Et dans ces valeurs, nombreuses sont les personnes qui s'y retrouvent, qu'elles soient salariées ou adhérentes. Cette symbiose engendre notamment un engagement fort de certains participants qui n'hésitent pas à mettre leurs compétences, leurs idées et leur dynamisme au service des autres. C'est ainsi que l'équipe de Concerthau s'enrichit de bénévoles dont l'efficacité n'est plus à démontrer. Cependant, pour leur rendre hommage, le canard a décidé de leur laisser, à tour de rôle, la parole. Carole raconte ici son implication.

J'ai toujours eu plaisir à écrire. Mais cette envie entremêlée de Rire, Crier et Ecrire s'est soudain faite plus pressante. Besoin de me laisser aller. Besoin vital de me surprendre et de trouver “mon style”. Ne pas rester seule, pourtant, face à l'insurmontable feuille blanche. Peur de me jeter à l'eau ? Tentation de me perdre à nouveau dans un univers sans limite ? Besoin de contraintes. Et puis il y avait aussi ce désir fou de faire écrire, de transmettre cette profonde conviction dans les bienfaits de l'écriture à toutes les personnes concernées par " la mal-à dit ".
Ecrire seule un texte, à deux un concerto, à plusieurs une partition magique et toujours partager nos textes pour mieux “s'entendre”.
Il y avait aussi ce besoin profond de “lâcher mes maux” pour pouvoir m'engager mais aussi de " sortir de chez moi ", d'aller à la rencontre d'autres mots, d'apprendre à “écouter d'autres voix”.
J'ai toujours eu une passion pour les langues, vivantes ou mortes, et pour les Littératures plurielles. Mais soudain, cette irrépressible envie de revenir à la langue maternelle et à la poésie. Revenir au texte. Soigner la langue.
A Concerthau, j'ai avant tout trouvé un accueil chaleureux, des ateliers d'écritures variés auxquels je ne m'attendais pas toujours, des intervenants passionnés, à l'écoute de chacun, disponibles et pleins d'égards vis à vis de notre langue, des soirées Poésie, un partage de compétences, la chance de pouvoir animer mes propres ateliers en toute confiance et de m'exercer à ce métier librement.

A Concerthau, je rencontre des auteurs, des gens, des mots, des différences de peau, de points de vue et de couleurs.

A Concerthau, je me rencontre et je me rends compte que j'aime jouer, rire, imaginer, créer. donner un coup de main.
Intervenants, salariés ou bénévoles, stagiaires, adhérents, amis, partenaires, petites soeurs, grands frères, français ou étrangers, tous ensemble, à Concerthau, nous prenons la plume et la parole pour composer un nouveau champ magnétique.

Carole



Richard Brautigan

Auteur américain d'après guerre, son enfance malheureuse le dote d'une imagination précoce et d'un profond désir de faire triompher le rêve sur la souffrance. A l'image de sa vie, les oeuvres de BRAUTIGAN ont des allures de montagnes russes : accélérations brusques et descentes dépressions brutales, structure cassée. Ses calembours, ses poèmes naïfs, ses faux romans d'érotisme et d'espionnage, son écriture fantaisiste entre fleurs et crudités mal accueillis par l'Amérique conformiste de son temps sont en phase avec une génération révoltée et rejetée : La Beat Generation. L'histoire de BRAUTIGAN est celle d'un fou d'écriture, sorti de nulle part et brusquement projeté dans les étoiles avec l'un de ses premiers livres La Pêche à la truite en Amérique. Son corps est retrouvé à Bolinas Californie, le 25 octobre 1984 gisant, comme un dernier défi à ce monde cruel, entre une bouteille d'alcool et un revolver calibre 44 magnum. A Burlington dans le Vermont, une BRAUTIGAN Library accueille uniquement les manuscrits refusés par les éditeurs. On y utilise des pots de mayonnaise en guise de presse livres en hommage à l'un de ses romans qui se termine par le mot " mayonnaise ".

 

On ne me l'avait jamais fait aussi gentiment

Les nectars sucrés de ta bouche sont
pareils à des citadelles baignées de miel,
on ne me l'avait jamais fait aussi gentiment.
Tu as entouré mon pénis d'un cercle
de châteaux que tu fais tourbillonner
comme la lumière du soleil sur les ailes des oiseaux.

La pilule contre la catastrophe minière de Springhill

Quand tu prends la pilule
c'est une catastrophe minière.
Je pense à tous ces gens
perdus au fond de toi.

 

Découverte

Les pétales du vagin se déploient,
on dirait Christophe Colomb
retirant ses chaussures.
Qu'y a-t-il de plus beau
que l'étrave d'un bateau
abordant un monde nouveau ?

"Je me suis installé confortablement et Babylone m'a envahi l'esprit
comme du sirop d'érable chaud qu'on verse sur des crêpes brûlantes."

"Toutes les filles devraient avoir un poème écrit rien que pour elles."

Jaune Lune

Charley se tenait droit sous l'arc du pont des cent soupirs, une canne à pêche lui passant entre les jambes qu'il tenait courbées. Il n'arrêtait pas de gigoter. Finalement il s'immobilisa, un instant, tenant en respect chaque mouvement de l'eau.
" Ça baigne " ! Se disait Charley, comme des ronds dans l'eau s'élargissant d'une manière peu ordinaire.
De ces ronds, s'envolaient des espèces d'oiseaux-truites bleu turquoise à se fendre les yeux mouillés jusqu'à l'os.
Les yeux de Charley s'agrandissaient tandis que son bassin lui, se dandinait tel un cul de brochettes enflammées sous la lune. Charley ne savait plus où donner de la binette ni comment se libérer les mains.
Il lui arrivait parfois de penser si fort, qu'il se trouvait aux confins du Japon, pénard, piquant du nez sur un canapé jaune océan.
Non, il était là, monstrueusement seul, à retenir sa gaule un peu plus mollement. Mais voilà qu'il poussa des soupirs en forme de ponts, genre lorsque, dans l'arrière wagonnet, il se passe des choses extravagantes. Tout cela mêlé d'odeurs renversées, coulis de groseilles sur bananes flambées. Vous voyez ce que je veux dire !
Le pauvre Charley ne savait plus par quel trou ouïr ! Cela lui fit dresser les " sseveux " sur la tête. Un truc à se faire couper en sept les poils de la zigounette, comme un monsieur qui quête, dans son miroir à eau, devinez quoi ?
En un, je vous le donne :
un bout de ses rouflaquettes, juste au-dessus de son pif. Et oui, s'il vous plaît, quoi de plus jouissif !

Adèle

Bibliographie

Romans

(1967) La pêche à la truite en Amérique
(1964) Le général sudiste de Big Sur
(1968) Sucre de pastèque
(1970) La revanche de la pelouse
(1971) L'avortement
(1974) Le monstre des Hawkline
(1975) Willard et ses trophées de bowling
(1976) Retombées de sombrero
(1977) Un privé à Babylone
(1980) Tokyo-Montana express
(1982) Mémoires sauvés du vent
(1982) inédit jusqu'en 2000 Cahier d'un retour de Troie.
-Il pleut en amour, 1998
-(1968) (8 sachets de graines, imprimés d'un poème chacun)
-Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus, 2003.

à la manière de Richard Brautigan

 

Une étrange odeur
de salade verte étoilée

Les femmes, ça commence toujours par vous jeter un regard foudroyant comme une mort subite qui se brise contre les dents blanches d'une pucelle. Et puis tout doucement, elles se rapprochent de vous, elles vous tournent autour comme des truites arc-en-ciel affamées qui frayent leur trésor dans une rivière de diamants. Elles vous enrubannent de leurs queues échevelées. Elles vous collent à la peau comme un ruban adhésif. Et quand vous croyez les tenir, quand vous êtes absolument sûr qu'elles vont se jeter à l'eau, elles vous cassent la cabane !

Regardez, Shirley par exemple, regardez-la bien, allongée sur ce canapé suranné et morose, soyeuse comme les pétales d'une vierge coquine.
Shirley, c'est le parfum brûlant et détrempé d'une rizière après la saison des pluies !
Shirley, elle a ce truc venu tout droit d'Orient, elle vous racole d'une façon visqueuse et vous interpelle sur un ton sirupeux comme ces algues vertes du Japon qui vous collent au palais quand vous laissez fondre doucement un sushi dans votre bouche.
Shirley vous vulcanise en un clin d'œil !
Pourtant Shirley cache un gigantesque tsunami sous sa robe et, derrière sa forêt d'émeraudes, un air mordant et une jungle de cafards.

Carole


La Geisha

A l'écart d'une ville écrasée par le soleil brûlant, Jim habite une cabane, près d'un pont.
Jim qui aime bien boire, sirote un vin fleuri comme un cimetière à la Toussaint. Chaque jour, tout décoiffé par le vent, il pêche la truite. L'ocre du sable sent le vent qui hurle comme un loup. Allongé sur le canapé, après une rude journée, il s'endort et se met à rêver du Japon, d'une geisha très belle.
Au bout de cinq heures de sommeil profond, il se réveille avec un truc énorme : la geisha est chatouilleuse comme une chatte.
Son phallus attend son cordage, l'odeur de la peau de la geisha parfumée à l'orange était si appétissante, elle avait de si belles formes ! Jim se rendort. Au matin, il est réveillé par le bruit du vent ; la cabane grince de plus en plus.
Il veut sortir mais la porte est bloquée : dehors il neige. Jim se recouche aux côtés de sa geisha…

Léon

 

 

Les moues de Marylin

Le vieux Tom avait sorti son canapé devant sa cabane pour harponner les derniers rayons du soleil avant la grande froidure. Il portait juste un bleu, trop court, comme un sexe qui aurait pensé à autre chose.
Sur un pick-up giratoire, Dylan gémissait. Un vent léger transportait des parfums mélomanes. Tom souriait, le regard vissé sur la rivière, guettant, en aval du pont, sa truite - rouge comme les moues de Marylin - qui jaillissait, çà et là, pour gober quelque mouche.

Monique


Vélo

Il est temps de se lever
La nuit pointe son museau
Comme un écolier
Part en vélo

Le zizi-goui-goui

Tu fais la pluie et le beau temps
Depuis que ton homme est parti
Tu danses le zizi-goui-goui.

Le Nord

Une étoile pour tout ornement
Un poêle pour se réchauffer
Voilà ton pôle nord à toi
Voilà ta poêle qui perd le Nord

Betty