Les Textes de L'atelier Ecritures au Pluriel du mois de Septembre 2013

 

Jeudi 5 Septembre

Consigne 1 :

Proust avait sa madeleine... Quelle saveur vous rappelle le passé, vers quel souvenir vous ramène-t-elle ?

Se souvenir, c'est loin tout ça.
Chez mes parents, tous les dimanches, l'odeur d'un plat me réveillait car la préparation était longue : c'était le couscous (il faut préparer la semoule ; cuire les légumes avec la viande, cela demande deux ou trois heures de travail). Ce plat est familial.
L'odeur était dans toute la maison, et c'est mon estomac qui sonnait midi.
Alors, à table et bon appétit.

Josette

La saveur du passé, quelle bonne chose ! Eh bien, parlons-en.
Chaque année, à la même époque, je vendangeais pendant plus d'un mois. Quelle aubaine, du raisin à volonté, tous les jours. Quand nos papilles étaient assoiffées on délogeait un grain par ci, un grain par là. Moi, ça me coupait la soif et me donnais les forces que la chaleur me volait, j'avais pas besoin de boire de l'eau, cela suffisait. Dans les vignes, que ce soit du raisin noir, muscat, blanc, sec et doux, j'étais rassasiée.
Le raisin est très bon pour la santé. Ces grains qui s'éclatent dans la bouche et vous mouillent la langue, vous redonnent du tonus et vous permettent d'avancer. Il sait se faire apprécier, surtout le matin, à la fraîcheur il se donne et vous enveloppe de toute sa douceur.
Les années ont passé, les vignes ont diminué, même presque disparu par endroit, toutes ont été arrachées pour construire des bâtiments, quel dommage que cela se passe chez nous. Maintenant, je me contente de déguster le raisin d'ailleurs qui n'a pas le même goût que celui que je coupais. Le charme et l'ambiance se sont envolés. Les raisins que l'on voit dans des cagettes de supermarché n'ont rien en commun avec celui que je ramassais. La saveur est différente, il ne nous attire plus et il faut le payer, il n'est plus gratuit comme avant dans sa liberté et sa fraîcheur. Maintenant, il est tout abîmé par les gens qui le choisissent. Je n'en ai plus envie.

Marie

Quand j'ai ouvert ce pot de yaourt aux fruits, je ne m'imaginais pas que croquer dans cette mûre ferait resurgir des souvenirs, si lointains déjà mais qui me revenaient si clairement en mémoire.
Je me suis revue enfant, dans ce petit village du Tarn où nous passions nos vacances, ma famille et moi. Mon père travaillait dans un autre village situé à trois ou quatre kilomètres de là. L'été, nous venions le rejoindre dans une petite maison qu'il louait, face à l'épicerie du village.
Il y avait peu de commerces et nous aurions pu nous y ennuyer mais quand on est enfant, et surtout pour moi, les lieux si verdoyants, les petits chemins de campagne fleuris étaient des terrains de jeux incroyables. Et même la cour de l'école (vide) où nous nous amusions au volant ou au ballon prisonnier.
La rentrée étant à la fin du mois de septembre, nous y étions encore présents quand les mûres des ronciers étaient... mûres, fin août.
C'était une balade « obligée » à cette période de l'année que d'aller les cueillir, en nous écorchant les doigts et nous griffant les bras.
Notre récolte amassée, nous rentrions, nos paniers pleins, fiers de notre butin. Là, mon père en faisait des confitures ou des gelées que nous emportions dans des bocaux lorsqu'il fallait rentrer et laisser l'insouciance derrière nous.
Lorsque nous les dégustions à Sète nous avions ainsi un peu l'impression d'être encore en vacances.

Isabelle

Je me souviens des marrons glacés que ma mère achetait aux environs des fêtes de fin d'année et qu'elle préservait des gourmands dans des cachettes improvisées, et qu'elle réservait aux personnes qui nous honoreraient de visites imprévues.
Très espiègle, je n'en loupais jamais une - la veille de Noël ma mère avait dû sévir en me privant de repas et m'enfermer dans la chambre.
À la recherche d'une bêtise à faire je fouillais la pièce... et ma main découvrit la boite de marrons glacés. Je l'ouvris et les dégustais un par un, que c'était bon ! Je pris la peine de replacer la boite, et m'endormis le ventre plein.
Le lendemain, en rentrant de l'école, tante Marie débarqua de Marseille pour nous souhaiter de Bonnes Fêtes. Après tous les salamalecs d'usages, ma mère se dirigea vers la chambre pour aller chercher la boite de marrons glacés. Je compris que je devais disparaître et empruntais à toute vitesse l'escalier. Arrivée dans la rue, je respirais.

Anne-Marie

Consigne 2 :

À la façon d'une recette de cuisine, donnez les ingrédients et la fabrication d'une journée réussie.

Ingrédients :

Le chant d'un oiseau
Un rayon de soleil pas trop chaud
Des arbres qui montent haut
Des fleurs de toutes les couleurs
Un enfant beau comme un cœur
Une louchée de ciel bleu
Une mer scintillante
Une pincée de rires

Prenez un rayon de soleil pas trop chaud, dardez-le sur des fleurs de toutes les couleurs que s'amuse à cueillir un enfant beau comme un cœur.
Plantez quelques arbres qui montent haut et d'où s'échappe le chant d'un oiseau.
Ajoutez une grande louchée de ciel bleu et une mer scintillante (à volonté).
Saupoudrez d'une pincée de rires.

Voilà, votre bonne journée est prête à déguster, accompagnée d'un bon livre bien gai.

Isabelle

Ingrédients

Le soleil pané
L'eau de mer bouillie
L'huile de bronzage
La crème pour éviter les coups de soleil

Une journée réussie c'est quand je me lève sans un mal de tête. J'allume le four et je fait gonfler les croissants.
Ensuite, préparation pour la matinée quotidienne. Dans un saladier je me lave le visage à l'eau claire, ensuite j'étale de la crème de jour.
Ah, j'entends appeler : « Mamie, j'ai faim ! ». Je vais à la rencontre du four. Le soleil est rentré dans la cuisine... et la matinée peut commencer.
Je mets le tablier de cuisine, je sort les appareils pour cuisiner une recette, mes petits monstres veulent m'aider. Le sel et le sucre ne font pas bon ménage mais la bonne humeur est dans la maison, toutes les odeurs s'y confondent.
Bref, vivement l'après-midi pour aller à la piscine. L'huile de bronzage et dans le sac, la serviette aussi. Et, partons !
En fin de journée, fatigués, nous ressortons saladier, huile, vinaigre moutarde, sel et une bonne salade. Rafraîchissements et repas.
Ma journée est impeccable. On verra demain si ma famille m'a fait une autre recette.

Josette

Les bonbons d'Avignon

Ingrédients

500g de train
200g d'amis
200g d'entrain et de gaieté
400g de curiosité
100g de spectacles théâtre
300g d'espoir
600g d'enthousiasme
60g de Corinne Touzet invisible

Mélangez 100g d'amis qui se retrouvent à la gare de bon matin avec 250g de train qui vous conduira au Festival Off d'Avignon.
Durant le voyage, ajoutez 100g d'entrain et de gaieté.
Faites reposer deux heures.
Abaissez la pâte.
Versez 400g de curiosité, 100g d'entrain, 100g d'amis. Pliez le tout dans une affiche de Corinne Touzet que vous ramassez à terre .
Liez avec 300g d'espoir, beurrez avec 100g de spectacles théâtre
Laissez pauser un après-midi au soleil ajoutez 600g d'enthousiasme.
Vous obtiendrez de bonbons souvenirs qui hanteront vos rêves.

Anne-Marie

Il n'y a pas de journée réussie sans une bonne nuit peuplée de cauchemars épouvantables qui l'a précédée.
Le dernier rêve qui m'a arraché au sommeil doit être particulièrement éprouvant et je dois me réveiller en sueur, haletant et porteur d'une expression hagarde sur le visage.
Je dois bondir du lit en entendant les cris d'agonie dans mon centre modèle de tortures raffinées.
Après un bon bol de sang dans lequel je trempe des doigts coupés, je parcours les couloirs où j'ouvre de temps en temps une porte pour m'imprégner de la souffrance des torturés. Et du professionnalisme des brutes triées sur le volet que j'ai engagées sur leurs excellents états de service. Chaque matin se passe ainsi.
L'après-midi, je me délecte en plein air à assister à des exécutions, pendaisons et autres « guillotinages ». J'essaie d'éviter les mises à mort bruyantes, jamais de fusillades par exemple.
Le soir, je me délasse en regardant un bon film gore 3D dans ma salle de cinéma personnelle et je m'endors souvent avant la fin du film, apaisé, en suçant mon pouce.
Voilà ce que j'appelle la recette d'une journée réussie.

Pascal


Jeudi 12 Septembre

Consigne 1 :

Choisissez parmi les incipit celui qui vous correspond et rattachez-le à un épisode ou un événement de votre vie.

« Je ne suis pas un garçon comme les autres » (Un adolescent d'autrefois – François Mauriac)

Cette phrase me rappelle un souvenir de jeunesse, lorsque j'allais voir ma meilleure amie « Caroline » (un peu délurée cependant) chez elle.
Je savais pertinemment que son frère « Guillaume » était encore tout seul dans sa chambre en train de travailler ses cours. Il terminait ses études de pharmacie et était très doué. Il n'attendait qu'une chose, c'était que l'on aille le rejoindre pour bavarder et rire, il était très moqueur.
Je sentais bien que je lui plaisais (j'avais, d'après mes souvenirs, douze ou treize ans) mais je savais aussi qu'il cachait son homosexualité. D'ailleurs, il n'a jamais accepté cela. Il ne sortait jamais de l'appartement.
Des années plus tard, j'avais une vingtaine d'années, j'ai téléphoné à mon ancienne copine et lui ai demandé des nouvelles de son frère. Elle m'a répondu qu'il était pharmacien et m'a appris une très mauvaise nouvelle.
Il s'est suicidé un week-end dans l'appartement de ses parents. Il s'est tiré un coup de fusil en plein cœur sans se rater.
De toute façon, il ne s'acceptait pas tel qu'il était et mon amie « Caroline » m'a dit que c'était mieux comme cela pour lui car il souffrait trop. Je passe certains détails trop personnels.

Christine

« Enfin, me voici rentré après quinze jours d'absence » (Le joueur – Dostoïevski)

Enfin, me voici rentrée après quinze jours d'absence et rien ne change. À part le temps, ni beau ni mauvais, il y a la rentrée d'école.
Les magasins sortent les vêtements d'hivers. Au revoir l'été, à l'année prochaine.
Quinze jours d'absence, que peut-il arriver, c'est court. C'est vrai, les jours baissent, il fait un peu froid et nous sortons les gilets et les bottes. Mais bon, je vais penser à Noël, je resterai éveillée.
Ah, j'oubliais, j'ouvre ma boite aux lettres et ça dégringole, surtout des factures. J'ai aussi ouvert ma valise et rangé les vêtements à leur place. Et puis, petits souvenirs pour ma petite famille qui m'a languie.
Que dire ? Reprendre les bonnes habitudes, et les mauvaises aussi.

Josette

« La maison était grande, coiffée d'un grenier haut » (La maison de Claudine – Colette)

Construite en forme de U la maison était grande, coiffée d'un grenier haut. Sur sa façade de briques rouges apparaissaient deux ouvertures surmontées de linteaux blancs sous la forme d'une fenêtre et d'une porte, le tout à droite de la bâtisse ; à gauche de la fenêtre se découpait un immense portillon en bois dans lequel se trouvait une petite porte, en tournant légèrement la tête apparaissait l'aile gauche du U.
La façade de cette partie de la maison se dessinait ainsi : une porte, surmontée d'une autre porte pour l'accès au grenier, et aussi un portail aux formes rondes derrière lequel se trouvait le garage de mon grand-père. À la droite de la fenêtre de la façade se trouvait l'aile gauche de la maison, toute en briques rouges avec une fenêtre au premier étage.
Mais ce qui m'intriguais le plus c'était ce portail. J'ai su plus tard que cette pièce était un abattoir et que moi, petit garçon de cinq ans, je venais d'arriver dans la boucherie de mes grands-parents pour un séjour dont je ne savais pas la longueur.

Jean

« Silence » (les hommes à terre – Bernard Giraudeau)

Silence. Je « l'entends » et il me trouble. Je n'y suis plus habituée, perdue dans un monde de bruits, de sons, de paroles.
Je le déguste, le savoure comme un mets précieux et délicieux, sachant qu'à un moment il va disparaître. Je ferme les yeux et j'essaie de le retenir, de le graver dans mon esprit pour m'y replonger quand j'en aurai besoin.
Silence. Où es-tu, toi dont j'ai tant besoin quand j'écris. Tu t'es enfuie de mon ciel depuis un moment déjà. Je fouille tous les recoins de ma mémoire mais tu as disparu de cet espace où je croyais t'avoir emprisonné.
Silence. Je ne peux te réclamer à pleine voix sans qu'on s'étonne, toi qui est inconnu à notre société de vacarmes, de cris. On te craint car tu représentes le vide pour nos villes en folie.
Silence. Seul le sage sait les trésors que tu renfermes, la richesse que tu procures à nos vies, si misérables en ce semblant d'existence.
Mais maintenant je me tais. Silence.

Isabelle

Consigne 2 :

Que se passait-il pour vous sur le chemin de l'école ?

Tous les matins, c'était le même rituel : sortir du lit dans une pièce à peine tiède ; prendre une douche ; se coiffer ; sortir dans des habits légèrement froids ; se recoiffer ; descendre prendre le petit-déjeuner ; enfiler un manteau ; un bonnet ou une cagoule uniforme ; un cache-nez ; des moufles ; des bottes fourrées avant de prendre le chemin de cette maudite école.
Il fallait environ une heure pour parcourir la route, avec quelques petits crochets dans la forêt qui bordait la route afin de repérer quelque bon endroit à champignons, de manière à pouvoir les récupérer le soir dans une poche cachée dans le cartable.
Il nous arrivait parfois de prendre un chemin praticable uniquement au printemps pour aller chaparder quelques fruits dans le jardin d'un vieux monsieur, il lui est même arrivé de nous tirer dessus au gros sel, sans toutefois ne toucher personne.
À partir de la mi-novembre et l'arrivée des grands froids la route devenait par endroit presque impraticable, pas question de prendre par la forêt. Il nous arrivait parfois de faire des glissades ainsi que des batailles de boule de neige mais cela ne durait pas longtemps avant que nous ne reprenions la direction de ladite école, trop pressés d'aller nous mettre au chaud de notre classe.

Jean

Sur ce fameux chemin de l'école, je partais avec ma sœur. On faisait au moins deux kilomètres à pied, quatre fois par jour. Je voyais presque toujours les mêmes personnes et, à mon souvenir, il y avait une fabrique de vin. Tous les matins on respirait cette odeur de vinaigre bouilli, c'était infect, j'en gardais l'odeur et le goût toute la journée.
Il y avait aussi le cartable, plus ou moins lourd. Ma sœur et moi nous traînions les pieds pour aller à l'école et on courait pour partir à la maison.
Je me moquais de certaines personnes et, quand il pleuvait, les voitures rasaient les trottoirs, nous voilà mouillées et bien sûr le rhume nous pendait au nez.
À la fin de la semaine, la fatigue se faisait ressentir mais j'étais jeune donc les kilomètres je les mangeais comme un gros sandwich.

Josette

Sur le chemin de l'école il ne se passait pas grand chose car je n'habitais pas loin. La rue à remonter, tourner, longer le trottoir, tourner et me voilà arrivée !
Alors, que reste-t-il à raconter ? Mais l'école buissonnière qui prenait un tout autre chemin et qui m'emmenait plus loin. Là, je découvrais la vile au petit matin, les camions qui déchargeaient leurs marchandises devant les magasins. Les gentilles (?) mémères qui promenaient leur chien.
J'errais, insouciante et inconsciente que mon attitude était hors-la-loi. J'y voyais le moyen d'échapper aux leçons qui pourtant ne m'ennuyaient pas mais qu'on me les impose je ne le supportais pas.
Ce chemin avait le goût de fruit défendu et quand je m'éloignais de celui bien tracé mon cœur se mettait à battre. J'avais peur mais j'étais excitée d'aller à la découverte de ce monde que l'on m'interdisait et que l'on disait ne pas être pour moi.
Le chemin de l'école, je lui ai souvent tourné le dos mais il est souvent revenu pour me narguer et me reprocher de l'avoir abandonné.

Isabelle

 

Sur le chemin de l'école,
Je me souviens très bien d'ailleurs,
Nous étions jeunes et insouciants
Et nous arrivions, exprès, toujours en retard.
Nous ne rêvions que d'une seule chose
C'était de faire l'école buissonnière
Car nous n'aimions pas travailler.
Cependant, une fois arrivés dans la salle
Nous avions deux possibilités :
Soit le prétexte des toilettes pour fuir,
Soit dissiper tous les élèves,
Uniquement dans le but d'ennuyer l'instituteur,
Quitte à avoir un mot à donner à nos parents
Pour une punition le samedi.
Nous nous en fichions éperdument
Car nous déchirions le mot en sortant de l'école
En hurlant de joie et en insultant tout le monde !

Christine