Les Textes de L'atelier du mardi soir du mois de février 2012




Mardi 7 Février

THEME : DIFFERENT

Mots à utiliser : mélanger – demain – coquillages –automne –carte –imagine

 

Ecoutez son souffle,
Son rythme saccadé le rapproche de moi,
Je mélange nos erreurs, je me les camoufle
Il est là, tout près, je le vois.

Demain peut-être dans ce champ arable,
J’irai le rencontrer dans la mémoire d'antan
Ici la terre est lourde et se fait désirable.
Je transformerai les cailloux en coquillages volants,

C’est l’automne maintenant,
Quelques mois se sont alignés
Ma mémoire gigote ressentant le néant
Elle me dessine la carte de nos années passées.

Tu étais l’ombre et la lumière
Tu régnais sur nos sentiments
En ce jour tu me manques, mais ce n’est pas une première
Tu es et resteras à jamais, l’empreinte de ce temps,

cgh

 

Vous allez voir revenir Mamita, un peu perdue de vue au cours des tribulations de la vie.
Elle est toujours entourée de cette surprenante famille, des folies de sa pulpeuse fille, des vagues à l’âme de son fils.

- Demain, dit Mamita, je vais faire un grand rangement d’hiver. Oui, oui, je sais : en principe, il s’agit d’une opération printanière, mais, depuis des mois, toutes vos affaires sont mélangées. Mes idées se mélangent, mes vieux collants se mélangent, vos amours se mélangent.

La voix rugueuse de Pépito marmonne :

- La collection de coquillages est mélangée avec du sable, des hameçons, des trombones rouillés, des tickets de bus, des figues sèches. Du coup, je ne peux plus aller à la pêche.

- Quel rapport ? demande Mamita.

- Ben, le rapport entre une canne à pêche et une daurade. Si tu n’as plus de hameçons, la daurade elle évite d’aller bêtement s’accrocher toute seule au fil.

Mamita se tait, comme elle seule sait le faire, les yeux vagues comme la mer, qui clapote devant leur porte, ou presque, les yeux couleur d’automne fatigué qui marche vers l’hiver.
Mamita s’installe dans le silence, avec sa bouche ouverte et ses mains jointes sur son ventre.
Elle s’absente. Elle oublie les rangements, les daurades, les heures cliquetant sur la pendule, la pendule qui disait « coucou » autrefois.

- Elle dit quoi la pendule maintenant ? demande quelqu’un.

- Maintenant, il faut lui rentrer une carte dans la fente horizontale. Il faut cliquer deux fois et promener la souris. Si elle est d’humeur, elle te donne l’heure.

- Et si non ?

- Si pas d’humeur, rien du tout, elle te donne. Si tu t’imagines, fillette, fillette, que tout te tombe tout cuit dans le bec…Si tu t’imagines, ce que tu te goures, fillette, fillette…

Mamita se lève. Elle monte sur son tabouret pour atteindre le placard. Elle est si petite, Mamita. Elle prend sa longue pince en bois pour attraper le paquet de farine, puis le sucre.

Ensuite, elle descend de son marchepied, elle se dirige vers le poulailler, revient avec six œufs et du lait de la vache de la señora Mercédès. Elle dit :

- Puisque c’est comme ça, je vais faire des crêpes.

Odile M.-Chareyre

Différente, bonhomie 21

Elle lâcha la main de droite, puis celle de gauche, tangua de se retrouver ainsi libre et se lança droit devant elle. Ses petits pieds larges, aplanis sur le sable, butèrent sur les coquillages épars.
Sa curiosité diffuse la faisait plutôt s'intéresser à tout ce qui bougeait. De ses yeux d'amandes doucement étirés, elle suivait les mouettes dans les creux et les vagues qui se mélangeaient blanches et bavardes.
D'un mouvement habituel, elle retroussa sa langue sur ses dents grillagées, chatouilla ses gencives et éclata de rire.
- Lilas-Rose rentre ta langue !
Lilas pour maman, Rose pour Papa! L'histoire du choix de son prénom, elle la connaissait! Chaque soir, au chaud du lit, ils feuilletaient ensemble l'album de sa naissance sous la lampe-coquillage. La lumière apprivoisée sous le carrousel de l'abat-jour poursuivait inlassablement l'ombre des étoiles de mer. Sa tête aplatie à l'arrière reposait dans le coussin accueillant et chaud de la paume de son père. Ainsi calée, elle laissait aller la fatigue de la journée.
Le soleil d'automne éclaircissait ses cheveux d'ange pâles, bordait ses cils presque blancs et l' obligeait à cligner des yeux. Elle tira sa langue sous l'effort, sa complice de gourmandise, pour tenter d'apercevoir dans le lointain argenté un bateau.
Elle lui menait la vie dure. Elle apparaissait sans prévenir comme un perce-neige, une trouée entre l'hiver et le printemps, pendouillait humide à son plus grand plaisir. Elle séchait au vent : un amusement d'enfant, qui déroutait sa mère et la rendait grondeuse.
Agacée, elle piqua une colère de gros mots, une bordée charabia accompagnée de ses poings serrés qui tambourinèrent sur son ventre pour lui faire rentrer ses remontrances. Pas contente !
Soulevée ! Son papa la lança comme une balle et la rattrapa tout aussitôt. Elle se prit pour un oiseau ! Rire et peur la poussèrent à s'accrocher à son cou, à se serrer fort contre lui. Elle posa un baiser juste à l'endroit du tatouage ! Une étrange écriture sombre qui descendait se cacher dans le col de sa chemise pareil au décalcomanie de jour de marché qui fondait sous les bulles de savon dans le bain et la faisait pleurer de dépit. Vite oublié, vite séché, Maman ré-appliquait un carré de papier, un dauphin apparaissait sur le haut de son bras et calmait ses angoisses.
Pour rester le centre d'attention de ses parents et se faire pardonner, elle se mit à chercher une fleur à offrir. Mais la plage se révéla un désert scintillant, un tapis de miettes d'étoiles. Son choix s'arrêta sur un joli petit coquillage orangé, enroulé sur lui-même. Effronté il ne la quittait pas des yeux.
- Un
œil de Vénus, dit Papa.
- Un porte-bonheur ! dit Maman.
- 421 ! dit Papa, malicieux lorsque son regard s'étirait et souriait, deux petits traits de chaque côté.
Lilas-Rose se réjouit avec eux.
- Nous sommes 4, parce que tu comptes pour deux, 1 car tu es unique !
Lilas-Rose était fière des chiffres alignés dans le sable humide par un index affectueux qui comme une craie triplait son bonheur !

Pascale

Mardi 14 Février

Consigne :

Utiliser les mots : Autrement, Penchant, Songe, Histoire, Confier.

On se taisait. Le bruit régnait autrement et c’était la Maison de Quartier qui l’avait dit. Le téléphone sonnait, le café éructait, les considérations sur la grippe s’entre-croisaient. C’était moins inquiétant que la méningite, le plus redoutable étant le mal de l’âme, cette affection qui tord l’invisible organe. Je ne craignais plus les abominations dont parlaient ces femmes : otites, bronchites, hépatites ; j’étais résignée, les tarifs des médecins étant « excessifs » disaient ces dames, pourvues d’un sérieux penchant pour la dramatisation.

- Quand tu as un rhume, tu tousses. Moi, ma sœur a eu un cancer du sein pas forcément génétique…

- Et il n’y a pas de dépistage ?

- Des fois, le destin, il est comme ça

- C’est le bordel ici. Il n’y a plus de petites cuillères !

- Et les cuillères en plastique, on les mange.

- Songe, ma sœur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble. Ferme tes yeux de myosotis, abaisse tes paupières de soie. Surtout, n’oublie pas de clore tes oreilles. Oublie Abdelkader La Touffe. Laisse madame Adèle macérer dans son problème
Songe, songe encore, rêve si tu peux.

Sorry, une anglaise t’a dérangée, une anglaise qui faisait des gaufres. Une histoire de boulimie et de Nutella…

Ne reste pas là. Prends ton histoire sous le bras, et marche, les deux mains tendues devant toi, aveugle à leur monde. Laisse-les dans l’odeur du brûlé, dans les soliloques hallucinés. Tu ne sais pas où tes pas doivent te conduire. Alors, tu serres la boussole au fond de ta poche. Parfois, tu la sors furtivement et tu regardes un seul point : le nord.

Tu vas à la plage, plutôt vers le sud, mais ne t’inquiète pas ; j’ai la boussole.

Tiens, je t’offre la plage et sa mer à l’infini. Non, il ne fait pas très chaud. C’est une plage d’hiver. Je te la confie. Tu dois veiller sur l’absence de vacanciers, de parasols et de transats. Je te confie ce sable hérissé par le vent glacial et cet unique bois flotté et ce goéland éventré. Je te confie la mer qui va geler à cause des températures en-dessous de la limite de la décence.

Tu ne veux pas ? Tu veux seulement le glouglou des tuyaux, les crissements des chaises et la monotonie rassurante d’une voix anglaise ? Tu ne veux rien aujourd’hui ?

- Oh si ! Je voudrais, je voudrais une autre histoire, qui me transporte ailleurs.

- Dis-moi où tu veux aller. Dans la petite pièce sombre et sans fenêtre ? Dans le local informatique ?

- Non, non. Je veux partir loin d’ici, jusque dans ce pays, tu sais, en Asie. Là-bas le programme du gouvernement c’est : Le bonheur pour tous. Je veux aller au Bhoutan, mais je m’affole avec ma boussole, je m’essouffle dans mes pantoufles. Je reste posée là, avec mon âme qui tressaute, mon cœur qui sursaute, entourée des téléphones, des interphones. Mes ailes sont tout engluées ; elles ne se déplient pas. Mes jambes ne veulent plus courir pour prendre de l’élan.

Odile M.- Chareyre