Les Textes de L'atelier du mardi soir 2011





Mardi 1er Mars

En lien avec la Journée internationale des Droits des femmes : Texte avec uniquement des mots féminins
Emploi des mots proposés par les participantes : Dignité, liberté, justice, manipulation, parole.

Zaza sur la trottoire

Elle a glissé malencontreusement sur la chaussée et s’est vue par terre, sans avoir l’opportunité d’anticiper la chute. Elle regarde autour d’elle, rouge de honte, la jupe relevée, une chaussure en partance. Personne ne l’a vue.
- Ouf ! Se dit Zaza, j’ai gardé ma dignité.
Sa dignité, elle est assise dessus, sur ses fesses douloureuses, où l’onde de choc se propage jusqu’à la colonne vertébrale. Autour d’elle, carottes, salades, oranges, ont repris leur liberté et bondissent allègrement dans la rue en pente.
- La vie est belle et il y a une justice, clame une voix puissante. Je vais d’abord vous aider à vous relever… Voilà qui est fait !
Zaza est debout ; elle secoue sa jupe et résiste à l’envie de courir après ses bananes, oranges et autres denrées. D’abord : dire « Merci », ensuite, ajouter :
- Excusez-moi mais je ne vois pas ce que vient faire la justice là-dedans. Je suis tombée par terre, c’est la faute à Voltaire etc.
- Que nenni ! Répond sa bienveillante salvatrice. Je reprends la parole et je la garde pour vous expliquer comment et pourquoi vous avez chuté ce 8 Mars, journée internationale des droits des femmes.
Tout d’abord, vous ne regardiez pas la rue, là, devant vous. Vous regardiez cette vitrine, pleine de falbalas futiles et fanfreluches inutiles. Ensuite, vos semelles sont lisses et vos chaussures trop hautes. Allez voir la cordonnière de ma part, et dites-lui…
- Stop ! Permettez, je vous arrête, dit Zaza. D’accord, vous m’avez aidée à me relever. Mais en quoi cela vous donnerait l’autorisation de gérer mon existence ? Je sens la manipulation dans vos paroles compatissantes et surtout très directives.
Aurais-je échappé à la tyrannie masculine pour tomber sous la coupe d’une femme que je ne connais même pas ? Je préférerais que vous me laissiez rattraper mes laitues, carottes et autres tomates.
Là, oui, je me sentirais libre, respectée dans ma dignité et ma féminité et si je veux je marche sans chaussures ; tant pis pour la cordonnière .Vive la liberté, Vive la journée de la femme qui tombe !

Odile M. Chareyre

Une journée entre frustration et satisfaction

La voix résonnait encore dans la tête de Gentiane, une voix aigue, sèche et péremptoire. La patronne avait dit « Dégage » et Gentiane l’avait perçue comme si elle n’était considérée que comme ces chevelures coupées échouées sur la serviette éponge et évacuées dans la poubelle. La gorge de Gentiane s’était alors nouée comme une tignasse crépue à n’en plus pouvoir parler de la journée et les larmes perlaient au bord des paupières ; mais elle avait sa dignité. Elle serra les dents pour mieux retenir ses larmes et la colère qui grondait en elle. Elle eut envie de laisser couler des paroles de fiel mais ne put les laisser franchir sa bouche. Elle balaya les mèches orphelines et les boucles laissées par la tête d’ange préférée de sa collègue et acheva sa journée en se disant que cette activité de coiffeuse était bien ingrate mais qu’elle avait ainsi sa propre autonomie. Mais cette liberté se trouvait écartelée entre deux extrémités : liberté de travailler oui, mais absence de liberté car ses initiatives restées bien limitées. Les heures passèrent ainsi à osciller entre frustration et satisfaction. « Après tout, je n’ai que ce que je mérite. Fallait que je sois plus concentrée. Ce n’est que justice. » Elle était taraudée par une sorte de culpabilité. « J’ai pas assuré avec Madame Frison. Tout ça pour avoir passé une petite demi heure au café à parler de l’Histoire de la coiffure avec une pointure de l’Université. »
Elle était bien décidée à reprendre la conversation là où elle s’était arrêtée. Après la dernière coupe de la journée, après une bise furtive à sa collègue et avoir lancé « Bonne soirée » à la patronne, elle retourna à la table où elle s’était assise à la pause déjeuner mais ne fut pas surprise de ne pas y retrouver l’éminence grise venue de la faculté avec ses évocations capillaires. Là elle repassa en revue ses émotions et les tensions de la journée. Finalement, toute comptabilité faite, c’était plutôt une belle journée. Elle avait fait une belle rencontre, une grosse bourde, pris une enguelade bien salée de sa patronne, mais ce qu’elle avait toujours c’était son entrée chez la coiffeuse. Mado avait juste dit : « Demain, reprends-toi petite ! »

Dominique

Il faut savoir colère garder

Descendons de nos stèles, exhumons nous de nos châsses, bousculons les mâles dictatures, sortons de nos geôles, fermons nos ventres aux concupiscentes armadas, le temps d’une journée, une journée seulement, en plein cœur de semaine, ironiquement, pour honorer hâtivement notre gloire bafouée.
Osons dire à cette occasion que nous ne mettrons pas la pitance en chauffe, nous ne lancerons pas de machine, nous ne nous occuperons pas de notre couvée ni de sa majesté paternelle.
Oui, ce 8 mars faisons la grève des bonnes samaritaines, et…. Tombons dans la vacuité avant d’en mesurer la profonde bêtise.
Même si la Genèse nous a intronisée « homo terrenus » et baptisée Adam, même si l’ensemble des religions nous a encouragée à la dévotion, la procréation, la soumission à Dieu et à la mâle engeance, n’hésitant pas à nous qualifier de « prostituée » ou « pécheresse » à chaque élévation de l’âme ; même si les démocraties furent trop lentes à nous ( r)établir dans nos fonctions civiques préférant nous laisser sous tutelle et privant par là-même la moitié de la population du droit à la parole ; même si les philosophes ont largement contribué à la misogynie générale prônant de multiples interdits sous menace de ban ; même si nous n’avons accédé au vote qu’en avril 1944, bien après la Mongolie, le Sri Lanka et même Cuba ; même si nous semblons hélas souffrir telles des filles de Stockholm d’une terrible propension à l’empathie pour ceux qui nous maltraitent, poussant l’absurde à alimenter nous-mêmes la foi qui nous opprime……
Peut-être qu’est venue l’ère où sans revanche aucune les femmes pourront enfin être reconnues dans leur légitimité sans avoir d’autres revendications ou combats fratricides à mener, parce qu’elles sont humaines de plein droit et que d’elles coulent toutes les générations.
Faisons confiance à nos filles et aux filles de leurs filles pour rester vigilantes et droites et restons droites auprès d’elles pour témoigner et renforcer leurs projections. Restons fermement citoyennes et maîtresses de nos destinées.
Laissons parler la sagesse, ne cédons pas aux idées revanchardes et regardons avec bienveillance monter les bannières de nos sœurs qui ont conquis pacifiquement des citadelles, en espérant que leur désir de maîtrise ne les poussera pas à se mutiler elles-mêmes en se coupant de leurs bonnes émotions.
Rien de bien grand ne se fait sans passion, que ce soit en art ou en politique, bousculons donc les chasses gardées !
Rien de pérenne ne se fait sans confiance ni détermination, continuons !

Nicole

En avant toutes

Elles ont fière allure avec leurs banderoles qu’elles brandissent au-dessus de leurs têtes. Elles n’en démordront pas tellement il reste encore des lois à promulguer.
Elles y croient et mènent des batailles tant qu’elles peuvent. C’est sûr, elles vont bien remporter une partie de leurs revendications.
Elles l’avaient bien déjà fait de former une troupe dans les rues, afin d’obtenir la possibilité de participer à une élection.
Pareil pour l’I.V.G., pour l’émancipation des femmes passant de 21 années à 18 années. Même en défilant elles gardent leur dignité et manifestent pour la justice, car elles ont l’impression d’être manipulées; on ressent cette forme de manipulation au travers de leurs paroles.
De pouvoir descendre dans la rue est déjà une forme de liberté.

Marie-Hélène

Chronique de la place de la liberté

Dans la rue : une chaîne. Une longue chaîne. A la vue, c’est une chaîne de paroles.
Son origine : la laverie automatique.
Elle se déplace avec des sérénades cristallines jusqu’à s’immiscer dans la cuvette des toilettes pour Dames, avant, tornade multicolore, d’envahir la place publique, la Place de la Liberté.
Qui l’a formée ? Pas de réponse.
A la minute , elle s’arrête, indécise.
Quelque chose est arrivée.
La couleur bleue, marine évidemment, se répand comme de la poudre. Elle ne sort pas de la buanderie. C’est une attaque. La chaîne a des difficultés à prendre de l’avance.
Une question : Est-ce justice que ce soit une pléiade de braguettes bleues qui en interdise l’éclosion totale vers la dignité ?
Une clameur maintenant : Halte à la manipulation par les braguettes !
La guerre des maillettes. Les bretelles tombent.
La parole est déchaînée.

Rose BLIN-MIOCH


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Mardi 8 Mars

Printemps des poètes 2011

ÉCRIRE LE PAYSAGE

Phase 1 :

L’atelier commence par la lecture de 2 poèmes choisis parmi les poèmes du Printemps des poètes 2011 : Yvon LE MEN : Le pays du poème et Chantal DUPUY-DUNIER : Les mots de la forêt.
Puis chacun inscrit sur un petit papier :

  • une couleur

  • une saison

  • un lieu

  • un élément (eau, air, terre, feu)

Les mots sont placés dans 4 enveloppes et chacun choisit au hasard 1 mot dans chaque enveloppe.
Proposition : écrire un texte poétique qui intègre tous ces éléments. Commencer par : « Le pays du poème… »

Phase 2 :

Au cours de la lecture de tous les textes (Écrire le paysage), chacun a noté une bribe entendue.
Avec tous ces fragments, on écrit un texte court poétique.

 

Viens vite c’est l’enfer !
Plongeons dans ce champ couleur mer
Sous la voûte céleste abritons-nous un temps
Écoutons battre nos cœurs aux ardeurs de volcan
Au pays du poème les mots sont des caresses
Au pays du poème partageons notre ivresse.

Dominique

 

La grotte COSQUER

Le pays du poème grelotte dans la grotte. Loin de l’arc en ciel il se tapit dans l’ombre. Les mots aux basses eaux, exsangues, tanguent dans l’air frais qui frissonne de mousses aux effluves de glaise.
Le pays du poème se couvre de ces mains et de bêtes sauvages aux crinières de lune.
Des cris, des feulements, des miroitements, des scintillements et les phrases qui suintent dans le silence. Au bout des stalagmites l’eau dépose un soupir qui sera éphémère. Trace invisible que le temps laissera, inexorablement.
L’aven, abîme fécond comme un ventre de femme, enfante le mystère maintenant englouti sous les eaux. 
Le pays du poème garde tout son secret. Nul ne saura jamais comment naissent les phrases, où se posent les mots ni où ils vont ensuite. Dans la goutte chargée de calcaire ou dans le courant d’air ou bien dans les regards de ceux qui entendent ces mots ?

Dominique

 

4 mots « tirés » sur petits papiers pour « le pays du poème » : Volcan, vent ; miel ; soleil.

Le poème du pays d’où tu viens
A cette couleur châtaigne
Bogue rousse explosée aux soleils des automnes.
Le poème du pays d’où tu viens
A cette douceur de miel
Sur ta bouche entrouverte qui n’ose pas nous dire.

Le pays du poème est situé là-haut
Où sifflent plusieurs vents
Sur les bruyères sèches et les genêts tordus.
Le pays du poème est encore un volcan
Qui ne sait pas son nom
Qui ne sait pas son âge.

Tu dis « C’est mon pays » en écartant les bras
En murmurant pour toi des mots pour nous étranges
Désignant des forêts, des lacs et des rivières
Qui éclairent tes yeux de lueurs de volcans
De reflets de châtaignes et de douceur de miel.

Odile M-Chareyre

 


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Mardi 15 mars

6 histoires écrites par 6 mains en 6 séquences
1/ Début : lieu
2/ Un personnage
3/ Un événement
4/ Un autre personnage
5/ Un rebondissement
6/ Une fin "théâtrale"

Les cimes des pins grincent en se heurtant. Le vent gémit et cogne. Tout n’est que bourrasque et des nuages de pluie dessinent des voluptés éphémères. On ne sait plus si c’est la mer qui se soulève ou si c’est le ciel qui s’immerge dans les vagues. Des remous à perte de vue et des flocons d’écume qui viennent se coller jusqu’aux racines des arbres de la forêt. Il est impossible d’imaginer la baignade estivale dans le parfum de résine. Là, ce n’est que le chaos.
Là, on s’attendrait à ne rencontrer personne pourtant un homme, les épaules en avant, avance péniblement dans cette tourmente. Des larmes coulent sur son visage. La pluie commence à tomber, d’abord fine. L’homme s’arrête, il a l’air d’inspecter les lieux, il se dirige vers un taillis; on ne le voit plus puis il ressort avec une pelle. Il commence à creuser. Des cris retentissent dans la forêt, il va se cacher dans le taillis.
Un petit groupe surgit de la forêt de pins, dérangeant l’homme qui s'apprêtait à creuser un trou ! Celui-ci, blotti dans le taillis, est pâle et tremblant. Ses grosses mains noueuses se tordent puis sa respiration devient plus légère et régulière, mais de grosses larmes coulent sur ses joues... de la poche de son pantalon dépasse un revolver... C’est bien cet objet qu’il va devoir enfouir dans le sable, après que la joyeuse troupe des enfants eut disparue de ce coin de plage si paisible...
Le groupe d’enfants le dépasse. Il retient son souffle et touche toujours sa pelle et son revolver. Un petit aboiement le fait se retourner. Avec toutes les émotions de la journée il avait oublié son chien qui se frotte sur ses jambes en quémandant une caresse. Le chien l’avait suivi. Il savait que l’homme n’était pas comme d’habitude. Pourquoi était-il dans ce bois au lieu de maugréer devant sa bouteille de rouge ? Mais il y avait eu ce bruit, ce coup de feu et elle était tombée raide morte en le regardant fixement. Alors c’était décidé, il devait mourir aussi, et creusait sa tombe.
« La vache ! C’est que la terre est dure dans ce coin, courage mec, creuse ta tombe puisque tu es seul au monde maintenant. » Malgré sa décision ferme et ses coups de pioche énergiques, rien, nada, niet, pas le début d’un trou. En sueur, il arrêta ses efforts inhumains et s’assit à côté des outils. Son œil droit fut attiré par une lueur. Il s’approcha des cailloux qui l’empêchaient de creuser et fut ébloui par un scintillement. Curieux, il avança ses grosses mains et saisit un objet rectangulaire. De toute évidence, ce n’était pas une pierre. Non, c’était une cassette en bois, au couvercle recouvert de marqueterie qui brillait comme autant de petits miroirs. Stupéfait, il s’en empara, souffla pour ôter la terre et, oubliant son projet funéraire, essaya d’ouvrir la cassette.
Soudain, l'homme entendit un énorme bruit, le vent avait forci tout soudainement, la mer se déchaînait. Il se retourna et vit au loin une énorme vague avancer à grands pas en emportant tout sur son passage. L'homme réalisa ce qui était en train de se produire qu'il eut à peine le temps de remonter se réfugier sur le toit de sa maison en priant de toutes ses forces qu'elle tienne le coup. Alors là, il se rendit compte à quel point il tenait à la vie; non, il n'avait pas du tout envie de périr noyé.

Chantal - Corinne – Dominique – Gisèle – Marie-Hélène – Odile

Les cimes des pins grincent en se heurtant. On voit à perte de vue cette couleur bleue si caractéristique de ses champs ainsi que son odeur forte. Je veux bien sûr parler de la lavande. Lorsque j'étais petite, bien que née dans le Tarn j'ai découvert assez vite la couleur et l'odeur de la lavande; en effet, ma mère d'origine Vauclusienne en avait la nostalgie (elle avait suivi en se mariant mon père dans le Tarn). Autant j'aimais regarder ces fameux champs de lavande butinés et prisés des abeilles, autant j'en détestais l'odeur.
Je restais donc à l'ombre de la pinède et laissais les autres courir dans les vagues bleues. J'avais toujours un petit canevas à broder et le temps était toujours beau. Le soir, au retour à la maison, le père embrassait tout le monde et disait : « Ah ! Que vous sentez bon », mais en effleurant mes cheveux il s'écriait : « Toi tu n'étais pas aux lavandes ! » Je me sentais différente des autres, de la fratrie, à la fois confuse de ne pas être comme les autres et à la fois heureuse d'avoir ma propre personnalité.
Un soir, on était en train de manger, on frappa à la porte, un jeune homme entra un livre à la main – c'était un livre que j'avais oublié sous un pin : « Mourir d'aimer ». Je rougis violemment; mon père servit un verre de rouge à ce beau jeune homme. Il avait l'air gêné et dit en s'adressant à ma sœur : « C'est un beau titre » « Oui » répondit-elle et elle baissa les yeux, moi, mon cœur sautait dans ma poitrine. Je voulus dire : « C'est mon livre, c'est moi qui l'ait oublié » mais les mots ne voulurent pas sortir.
Ce livre c'était mon cousin Jacques qui me l'avait donné, ou plutôt « prêté » dimanche quand nous nous étions retrouvés chez les grands parents avec toute la famille. Ambiance chaude de ces dimanche d'été près de l'étang où nous, les cousins, nous partagions avec cris et rires une table légèrement éloignée de celle des parents sous les arbres du jardin. Jacques, qui avait l'âge de ma sœur aînée (17 ans à l'automne), semblait pourtant s'intéresser à moi, sa cadette de deux ans et ce livre au titre « envoûtant » je le dévorais depuis ce jour, en prenant bien garde que mon père ne le voit ! C'était raté, ce soir, il savait !
Elle s'assit sur les marches. Elle en voulait à sa sœur qui lui avait pris son secret. Elle entendait des rires venant de la cuisine, rires rendus joyeux avec le vin. Elle n'osait pas rentrer et espérait que son absence allait être remarquée. Soudain, elle vit sa sœur sortir en compagnie du jeune homme, il n'avait pas de livre dans la main, celui-ci devait être resté sur la table. Elle se cacha et les suivit. Main dans la main, ils s'assirent sur l'herbe, il y avait un silence pesant et la lune éclairait leurs corps, lorsqu'il l'embrassa et passa la main sous la jupe de sa sœur elle se raidit, des larmes coulèrent le long de ses joues, elle ne voulait pas regarder mais suivit toute la scène se promettant que la prochaine fois c'est elle qui serait couchée sur l'herbe.
Pendant qu'elle reniflait et se sentait mourir de jalousie, les adultes avaient continué leur soirée, s'attardant à boire et bavarder. Soudain, son père, remarquant l'absence de ses deux filles et du cousin séducteur, se leva, cria « Marinette », le prénom de l'aînée, et se dirigea avec détermination vers le coin du jardin où Marinette et Jacques se livraient aux délices de l'amour. Au passage, le père saisit son fusil de chasse et, comme il voyait rouge, étant d'un tempérament sanguin, il tira. Cris, coups de feu, gémissements, une cacophonie indescriptible servit de bande sonore à une scène sanglante. Le cousin suborneur saignait abondamment mais seulement au niveau du postérieur, Marinette était indemne mais gisait évanouie sur l'herbe. Bientôt, on entendit les sirènes des pompiers, ambulance, police. Cette scène se grava à jamais dans l'histoire familiale.

Chantal - Corinne – Dominique – Gisèle – Marie-Hélène – Odile

Les cimes des pins grincent en se heurtant. Je n'ai pas peur, non je n'ai pas peur. La nuit est tombée et je suis seule dans la forêt. Je marche vite. Je marche plus vite. J'entends les grincements ; j'entends les hurlements du vent. Je chante à voix haute un de ces cantiques de mon enfance. Je fais tout mon possible pour n'écouter que ma voix, ne voir que le chemin, ne pas penser au froid. Nous sommes venus ici autrefois, il me semble. Nous avons pique-niqué en famille dans une clairière. L'herbe était douce et d'un vert très pâle. La mousse était épaisse et d'un vert plus sombre.
Je me croyais seule mais en fait il y avait un bûcheron en retard sur son travail. Il tenta de me rassurer mais en fait ce fut l'effet contraire. Avec sa hache et ses gros biceps qu'on devinait sous sa chemise à carreaux. À sa stature il impressionnait plus qu'autre chose. Il avait beau s'appliquer à ne point m'effrayer mais le résultat n'était pas là. Sa voix aussi était forte. Il s'entêta à me raccompagner ce qui eut pour effet l'accélération de ma marche. Malgré cela il insista pour me raccompagner car la nuit était bel et bien tombée.
« Alors comme ça, tu chantes des cantiques ? », me dit le colosse. Et comme je grelottais autant de peur que de froid je ne pus que hocher la tête tout en frictionnant mes bras. Et il se mit à chanter à tue-tête, avec une voix de baryton, le cantique que j'avais entonné un peu plus tôt. Le duo que nous formions était insolite. Le colosse aux mains rugueuses avait une voix de velours et la frêle personne que je suis avait peine à émettre les notes flûtées. Je bredouillais confuse : « Je crois que j'ai un rhume ».
« Oui, et tu as l'air d'avoir froid, viens chez moi à quelques pas ma femme te donnera une laine. » J'allais refuser bien entendu car je n'étais, malgré la voix de velours, toujours pas à mon aise quand, comme sortie d'un écran de ciné, apparut une femme longue et mince vêtue de bleu et tenant une laine entre ses mains. C'était fantastique. Elle s'avança, souriante et jeta la laine sur mes épaules frissonnantes ; alors, je me suis mise à entonner le cantique suivie par le bûcheron et sa femme et un chœur magnifique ébranla la forêt.
C'était fort étrange ces voix qui s'élevaient vers le ciel, cette femme si belle en bleu me faisait penser à la Vierge Marie. Et ces arbres qui formaient comme un tunnel dans la forêt, un tunnel où je voyais briller une lueur, je me sentais légère comme si je flottais au-dessus du sol, légère et libre, détachée de tout... ma peur avait disparue, près de moi le colosse était devenu un « chic type » très doux, cette femme en bleu me protégeait, il me semble que le temps s'étirait et n'en finissait pas de couler et soudain CRAC ! Je butais sur une branche et m’écroulais sur le sol. Le choc me réveilla !
Comme d'habitude j'étais au lit sur ma péniche, à côté de mon mari qui prenait toute la place tel un menhir. Je ne pouvais pas bouger, seuls mes yeux faisaient le tour de la pièce que je connaissais par cœur. Demain, aux premières heures du jour j'aiderai à passer les écluses en espérant à chaque arrêt rencontrer l'élu de mon cœur.

Chantal - Corinne – Dominique – Gisèle – Marie-Hélène – Odile

Les cimes des pins grincent en se heurtant.
Les feuilles, en se caressant laissent apparaître
Un morceau de ciel noirci par l'orage,
Et toujours en attente du prochain.
Il fait froid, même les oiseaux se sont blottis
Ils ne chantent pas. On entend que la pluie
Qui lave ce petit morceau de montagne perdu
Au milieu de l'océan.
« C'est mon île », pensais-je encore une fois. « Je la connais si bien que je voudrais la quitter. Je l'aime jusqu'à l’écœurement. Je la déteste autant que je l'aime. Je sais bien que je resterai là jusqu'au dernier jour, à écouter la pluie, à donner des graines aux oiseaux. Je suis blottie dans ma maison comme eux dans leurs nids. Je dis ma maison, les autres disent « sa cabane ». Ils ne me parlent pas souvent, mais ils parlent de moi. L'autre jour, je marchais sous les gouttes, j'allais chercher du bois. J'ai entendu deux des hommes de l'île dire que je suis folle. J'ai l'habitude. »
Soudain, j'entendis des cris de femmes. Elles paniquaient toutes. Je m'approchais et, stupeur, je vis une jeune femme enceinte sur le point d'accoucher. Voilà l'explication de tout ce remue-ménage. Étant donné qu'on est sur une île il n'y a pas d'hôpital, tout au plus un médecin. Et la jeune femme d'avoir des contactions de plus en plus fortes et rapprochés. Le bébé n'allait pas tarder à naître. Pas moyen de trouver le médecin qui était allé pêcher en mer. Aussi je fus mise à contribution ; moi qui déteste la vue du sang chez les autres, là j'allais être aux premières loges. Je me sentais impuissante face à la souffrance de la jeune femme.
D'ailleurs, au bout de quelques instants je fus moi-même prise de terribles maux de ventre qui me plièrent en deux. La primipare allongée sur la chaise longue et moi, la folle de l'île, arc-boutée sur le haut de la chaise longue. Mêmes gémissements. « C'est quoi ce raffut ? » cria une voix d'homme. Je reconnus l'un de ceux que j'avais croisés. « Alors, vous allez rester là sans rien faire ? Bougez-vous ! On croirait que vous ne savez pas ce que c'est ! » Sa voix était ferme et au-delà du reproche on y percevait de la bienveillance. « On va commencer par respirer à fond. » Comme je restais coincée sur la méridienne, il me secoua : « Ça vaut pour toi aussi ». Finalement, toutes les femmes se mirent à respirer en chœur. Au silence succéda un mélodie.
Et comme par enchantement un cri strident traversa cette mélodie, le petit était arrivé sans crier gare sur la chaise longue. La primipare en fut tellement secouée qu'elle tomba de la chaise longue et le bambin, projeté dans les airs, rebondit sur son ventre encore rond ; il avait cessé de crier, je pris peur et lui donnais une grande claque dans le dos alors, il repartit de plus belle au milieu de nos rires, mais le cordon n'était pas encore coupé alors comment faire ?
Un grondement soudain se mit à descendre du ciel, une sorte d'engin bizarre surgit de derrière les nuages, mi-avion mi-soucoupe volante avec des tas de lumières clignotantes sur le pourtour de ses ailes ; il se posa gracieusement au sol, une grande porte s'ouvrit sous le plancher de la cabine et dans une lumière éblouissante, je vis s'avancer un être hybride mi-homme mi-elfe. Il s'approcha de la jeune mère, lui mit son bébé dans les bras et, les soulevant tous les deux, les amena dans son appareil. Le cordon n'était toujours pas coupé !

Chantal - Corinne – Dominique – Gisèle – Marie-Hélène – Odile

Les cimes des pins grincent en se heurtant et les pommes de pin jaune ocre se balancent en s'entrechoquant car il y a grand vent au loin. La mer déroule ses vagues géantes ourlées de blanc ; les pigeons aux ailes ébouriffées se recroquevillent dans le recoin des fenêtres ; le linge sur les cordes s'entortillent.
On la voyait arriver de loin sur cette plage pieds nus sur le sable mouillé, ses jolis pieds délicats foulant le sol, son pantalon blanc retroussé sur ses chevilles, une marinière rayée flottant sur son torse mince ; elle devait avoir 14 ou 15 ans et un ravissant visage de jeune fille, le « bombé » de l'enfance sur ses joues et le regard mutin d'une presque femme... Elle s'avançait vers la maison sur la plage d'un pas très décidé comme pour se rendre à un rendez-vous.
Cette maison, elle la connaît bien. Les volets sont toujours fermés, on croirait qu'elle les attend. Notre petite mutine connaît la cachette et trouve tout de suite la clé. Sa course à travers les dunes l'a essoufflée ; maintenant qu'elle entend battre son cœur elle se calme. Elle doit être en avance. Curieuse et impatiente elle entrouvre la porte. Aucun bruit. Elle tend l'oreille et semble parler au vent : « Le vois-tu venir ? ». À imaginer ce moment d'échange elle rougit. Elle a les larmes aux yeux comme tous ces samedis où quelques heures lui permettent de se laisser aller et de croire encore en l'avenir.
Elle entend le bruit de ses pas sur les planches de la vieille véranda. Il approche ; elle a froid soudain. Elle va remettre son pull. Non, elle a trop chaud et puis elle est tellement jolie avec sa marinière. Il le lui a dit la dernière fois. La porte s'ouvre, elle avance vers lui dans la lumière. Il est là. Oh ! Comme elle l'aime ! Il n'est pas très grand, juste un peu plus qu'elle. Elle ne sait pas s'il est beau. Elle sait que ses mains calleuses sont faites pour découvrir ses épaules, caresser ses seins menus. De sa voix un peu rauque il murmure : « Je suis là ma crevette ». Elle s'élance comme une gamine. C'est ce qu'il aime : qu'elle soit une gamine, une ado folle de lui.
Elle ne s'en rendait pas compte vu son jeune âge mais lui, plus âgé, en profitait. Il savait qu'avec leur différence d'âge, elle serait toujours à ses pieds. Mais pour combien de temps ? Car une fois qu'il se serait bien amusé il la laisserait tomber. Ses parents l'avaient bien mise en garde mais à son âge est-ce qu'on écoute ? On croit à tort que ses propres parents sont des empêcheurs de tourner en rond. Elle se voyait pour la vie avec ce bellâtre. Il lui avait dit et répété qu'il n'avait d'yeux que pour elle, qu'eux deux c'était pour la vie.
Elle a glissé ses mains dans ses poches à lui et lui a faufilé les siennes dans les manches de la marinière. Ils se disent ce que se disent tous les amoureux : des bêtises, des serments, des rêves. Il pense qu'il a oublié de fermer la fenêtre là-bas dans l'autre maison et qu'il va pleuvoir. Elle pense que demain elle a une interro d'anglais. Un téléphone sonne. Un message s'affiche. Fini le rêve. Les cimes des pins grincent en se heurtant.

Chantal - Corinne – Dominique – Gisèle – Marie-Hélène – Odile

Les cimes des pins grincent en se heurtant en bas de la colline, ils sont là depuis plusieurs dizaines d'années, peut-être après la guerre (la 1ère)... Ils ont été plantés là pour habiller cette aride colline, retenir la terre et faire de l'ombre aux promeneurs ! Et depuis ils ne cessent de grimper, de s'étaler en nappe sombre comme des parasols et de ployer sous le vent du Nord qui les secoue brutalement, ou de « chauffer » sous le soleil brûlant de l'été.
Les feuilles sont écrasées, est-ce par des promeneurs ou par des animaux dits sauvages. Qui est sauvage ? Celui qui fuit ou celui qui fait fuir ? Celui qui marche lentement en regardant de tous côtés ou celui qui parle fort, fait craquer les branches en oubliant que cet endroit ne lui appartient pas ? Ce sauvage-là ne regarde même pas le ciel, il avance, il a encore un record à battre : celui d'arriver le premier. Il efface tout à coup de son cerveau le moment de bonheur qu'il vient de vivre.
Sacré moment de bonheur, pourtant. Il ne devrait pas l'oublier, celui-ci. Il a sorti des profondeurs de ses poches un billet de « Millionnaire ». Avec son ongle du pouce, dur comme de la corne, il a gratté énergiquement. Il a gagné ! Un nombre avec une ribambelle de zéros. Il louche un peu en temps normal, mais là, sa vue était complètement brouillée par le choc. Il ressort le billet, inspire expire, se calme autant que possible et lit posément : 10.000 euros. « Ah ! Je croyais avoir vu 100.000 ». Petite déception dans la tête de la grande brute. « 100.000 euros c'était bien... Bon, allons-y pour 10.000. Je m'en contenterai. L'essentiel est de ne pas perdre ce foutu billet en traversant le bois de pins. »
Il marcha jusqu'à l'orée du bois. De là il vit par où il devait continuer pour atteindre le plus proche village. C'est ce qu'il fit. Arrivé dans la petite bourgade il entra dans l'unique tabac presse. Il fut reçu par le buraliste. Ce dernier, lorsque l'homme lui tendit le billet du Millionnaire, lui certifia qu'il y avait une erreur. L'homme ne l'entendit pas de cette oreille et insista. Malgré cela, et sur un ton devenant menaçant et un peu bourru, le buraliste lui répliqua qu'il n'avait pas gagné car il avait gratté la case où il y avait écrit de « ne pas gratter car billet nul si découvert ». Alors, à la vue de la mine déconfite de l'homme, le cafetier lui offrit une boisson mais mal lui en prit car l'homme le remercia et décida de continuer à boire afin de noyer son chagrin.
La porte du café s'ouvrit brusquement : « Répression des fraudes » dit une voix. La voix s'approcha de la table du malheureux perdant : « Donnez-moi votre verre » d'un ton qui n'acceptait aucune contradiction. L'homme ouvrit sa mallette d'analyse et versa quelques gouttes dans une éprouvette. « Hum, hum... C'est bien ce que je pensais... » Il se parlait à lui-même et le cafetier faisait semblant d'essuyer ses verres avec son torchon sale et mouillé. Le perdant du loto réclama son verre. Comme il en était à son 7ème pastis, il sortit de sa poche de quoi payer. Il défroissa le ticket du loto et dit : « Voilà, je paye ». Le gars de la Répression des fraudes saisit le billet qui servait de moyen de paiement et l'observa longuement : « Hum, hum... C'est bien ce que je pensais...
- Je vous arrête tous les deux.
- Mais pourquoi ? dit le cafetier.
- Pas de commentaire je vous prie, vous vous expliquerez tous les deux au commissariat, donnez-moi vos poignets.
- Mais vous n'avez pas le droit, dit le cafetier tremblant de tous ses membres.
- C'est ce qu'on... »
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase, le perdant du loto lui asséna un coup de poing qui le fit voltiger dans les tables. Il allait se relever mais le cafetier le prit par les jambes et le fit valdinguer au-dehors pendant que le perdant du loto lui envoyait sa mallette au visage. « Mais il se prend pour qui celui-là » dirent-ils ensemble sur le seuil du café.

Chantal - Corinne – Dominique – Gisèle – Marie-Hélène – Odile

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Mardi 29 Mars

A la manière d’Andrée Chédid (Au cœur du cœur)

 

Au cœur de l'espace

Au cœur de l'espace
Le chant
Au cœur du chant
Le champ
Au cœur du champ
L'herbe
Au cœur de l'herbe
La fourmi
Au cœur de l'herbe
Le grillon
Au cœur de l'herbe
La pâquerette
Au cœur de la pâquerette
Le pistil
Au cœur du pistil
Le pollen
Au cœur du pollen
L'abeille
Au cœur de l'abeille
L'alvéole
Au cœur de l'alvéole
Le miel
Au cœur du miel
La gelée royale

Marie-Hélène

 

Au cœur du chant

Au cœur de l’espace
Le chant
Au cœur du chant
Les maux
Au cœur des maux
La souffrance
Au cœur de la souffrance
La solitude
Au cœur de la solitude
L’avenir
Au cœur de l’avenir
L’espérance
Au cœur de l’espérance
Le désespoir

Corinne Gambin

 
 

Au cœur de l’espace
Le chant
Au cœur du chant
Le silence
Au cœur du silence
Le monastère
Au cœur du monastère
Le soleil
Au cœur du soleil
Le vent
Au cœur du vent
La gerçure
Au cœur de la gerçure
Le sang
Au cœur du sang
La vie
Au cœur de la vie
L’oubli.

Dominique WARCHOL

 

Au cœur de l’espace
Le chant
Au coeur du chant
Le silence
Au cœur du silence
L’espoir
Au cœur de l’espoir
Une voix
Au cœur de la voix
Le chant
Au cœur du chant
Le silence le silence le silence

Odile M-Chareyre

 
 

Au cœur du cœur

Au cœur de l’espace
Le Chant
Au cœur du chant
La Vibration
Au cœur de la vibration
La Corde
Au cœur de la corde
Le fil
Au cœur du fil
La Tension
Au cœur de la tension
La Rupture
Au cœur de la rupture
Les Clarines
Au cœur des clarines
La Flûte
Au cœur de la flûte
La mie de pain.

Rose

 

Au coeur du coeur

Au coeur de l'espace, le chant
Au coeur du chant, le silence
Au coeur du silence, le cri
Au coeur du cri, l'absence
Au coeur de l'absence, l'être
Au coeur de l'ëtre, l'autre
Au coeur de l'autre, l'espérance.

Elyette

 


Betty en « portrait chinois » ( Si elle était : Fleur ; arbre ; couleur ; animal ; saison ; crayon ; plat cuisiné ; pays ; paysage ; musique ; planète ; alphabet ; sentiment…)

Si elle était une fleur elle serait une rose qui s'épanouit spontanément en s'ouvrant.
Si elle était un arbre elle serait un chêne car très solide de par ses racines.
Si elle était une couleur elle en serait plusieurs à la fois car elle avait pour habitude de s'habiller en mélangeant avec son propre style différents tons.
Si elle était un animal elle serait un cheval passant avec fougue du trot au galop.
Si elle était une saison elle serait l'été car elle en aimait sa chaleur.
Si elle était un crayon elle serait celui d'où naissent ses textes recherchés et souvent poétiques.
Si elle était un plat cuisiné elle serait un de ces fameux et succulents gâteaux qu'elle confectionnait avec amour pour Concerthau.
Si elle était une musique elle serait celle de la grande chanson française telle que Brel, Brassens, Charles Aznavour.
Si elle était une planète elle serait sans hésiter la lune, car combien de fois elle nous a fait rire quand, l'atelier d'écriture commencé déjà depuis un bon moment, elle posait des questions sur la consigne et disait toujours ne pas comprendre.
Si elle était un alphabet elle serait le français car elle s'appliquait à écrire sans fautes d'orthographe.
Si elle était un sentiment elle serait l'amitié.

Marie-Hélène

Betty, si tu étais une fleur tu serais une immortelle, toute parfumée des senteurs du maquis corse,
Et si tu étais une île tu serais donc la Corse, celle du sud, mêlée à celle du nord, celle de la mer ou de la Castagniccia, sauvage, grandiose et libre.
Si tu étais un crayon, tu serais un crayon de couleur, une couleur gaie, acidulée, fraîche et chaude à la fois, pour écrire et inventer des mots.
Si tu étais un objet, tu serais ce trousseau de clefs. Te souviens-tu de ce soir où tu ne trouvais plus tes clefs ? Je t’ai accompagnée jusqu’à ton logement en enjambant la darse. Les clefs étaient sur ta porte, à l’extérieur. Ouf ! Aucun visiteur indélicat n’avait franchi ce seuil sans verrou.
Si tu étais un sentiment, tu serais l’Amour, celui que tu donnais sans réserve, celui que tu appelais de tes vœux et qui, je crois, t’as souvent manqué.
Si tu étais un aliment, tu serais le gruyère. Un jour tu avais dit que ton écriture était comme le gruyère : chercher des trous pour y placer des mots et partir vers un autre vide pour y créer un autre mot.
Si tu étais un morceau de musique, je te vois bien en allegro, un Vivaldi par exemple, un rythme vif et frais, comme spontané mais avec des sonorités répétitives, celles que tu affectionnais dans l’écriture.

Dominique WARCHOL

 

Si Betty était une fleur
Claudio-Claudia pense que ce serait un Zinia
Ils ne sont plus sauvages ajoute-telle.
Si Betty était un paysage
Ce serait une rivière
L’Orb, le fleuve de son enfance.
Si Betty était un plat cuisiné….
Vas-t-en savoir
Elle mixerait dans sa cuisine
Au bain Joseph
Des alexandrins avec des grains de raisin
De Corinthe.
Si Betty était un animal,
Une chatte peut-être à trois couleurs
Le roux pour l’automne
Le noir pour voir les étoiles la nuit
Le blanc pour recommencer à vivre.

Rose

 

ELLE, ce jour nous a privés à jamais de toi,
De ton sourire, de ton rire,
De ton regard ouvert à tout va,
Tu étais avec nous, et rien en toi ne pouvait mentir.

Lors des consignes, tu prenais ton crayon 
Il devait t’aider à oublier durant quelques heures, ta réalité
Tu lisais, nous écoutions ta voix en demi-ton
Nous partagions tes rêves et tes pensées quelquefois enchaînés

Ta lecture hésitante se laissait enfin libérer
Tu aimais provoquer nos éclats de rire
Ils résonnent dans ma mémoire et vont remplir mon encrier
Je me relie à toi pour un bien finir

Corinne Gambin

 


Si Betty était un plat, elle serait une tielle sétoise. Dorée à point par le soleil de Méditerranée. Comme elle, elle en avait les rondeurs avenantes, le teint cuivré et la peau duveteuse. Comme elle, elle donnait l'eau à la bouche et les hommes ne lui étaient pas indifférents. Le dernier en date était un de ces mâles gourmands, aux mains larges et à la carrure imposante. Un vrai macho !  Elle l'emmenait partout avec elle, même si parfois il n'était pas à sa place. Comme ce jour-là à l'atelier d'écriture.
Elle avait un besoin viscéral d'être entourée, admirée, aimée. Décidément, elle n'aimait pas la solitude, Betty. Elle voulait être croquée et elle croquait la vie.
Eh oui, comme une bonne tielle, à la fois souple et croquante, Betty se laissait dévorer goulûment et perdait toute substance. Il lui fallait ensuite reprendre consistance et cela l'épuisait. C'est peut-être pour cela qu'elle est partie si vite...? Qu'elle s'est laissée engouffrer !

Elyette

 

Si elle était fleur, elle serait « blossom »,
Cette profusion de fleurs de cerisiers
Qui explosent un doux matin transformant le décor,
Mêlant joie, beauté, vie intense et douceur.

Si elle était animale, peut-être serait-elle un écureuil
Des parcs anglais, facétieux et cabotin,
Leste d’esprit, attachant et profondément sympathique.

Si elle était pays, de par son nom je dirais l’Italie
Et par sa volubilité je ciblerais Naples,
Son agitation, sa foule colorée, ses interpellations très sonores,
Ses cris qui deviennent des rires
Puis se perdent sur les quais.

Si elle était musique, alors elle serait tarentelle endiablée
Entrecoupée de sonatine légère, impertinente.
Des notes à faire taper du pied, danser en ronde et farandole,
Mains crochetées, bras en couronnes,
Jambes battues et taille déliée.

Nicole

 


Si elle avait été là, elle aurait peut-être dit : « Je ne veux pas être un chrysanthème ».
Je n’en sais rien. Odeur des chrysanthèmes dans les allées du cimetière. Éclats de couleurs. C’est joli, ça vous attire le regard. Invention pour oublier les tombes et les sous-sols.
Mais, si elle n’est plus qu’une poignée de cendres, alors où est sa place dans le paysage ?

Excuse-moi, Betty absente, je ne peux pas écrire sur toi. Tu n’es pas une page blanche sur laquelle tracer des signes. Je ne suis pas un crayon.

Tout à l’heure, je t’ai aperçue derrière la vitre du bus, le numéro 2, celui qui va à l’Île de Thau. C’était ton sourire un peu insolent, tes cheveux bouclés, tes petites rides ici et là. Derrière la vitre, c’était ta tête des bons et mauvais jours.
La musique du hasard a commencé à jouer son morceau pour me rappeler que ce n’était pas toi. «  Betty elle est partie ». Comme d’autres silhouettes, de plus en plus nombreuses, je la croiserai encore dans les rues. Elle ajoutera sa présence de fantôme au rang des disparus.
Je l’entendrai rire à Concerthau, pleurer, nous inquiéter avec ses malaises.
Tout cela durera le temps nécessaire, le temps que tournent les saisons, que planent les planètes.

Odile M.- Chareyre

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