Les Textes de L'atelier du mardi soir 2010





Mardi 19/10/2010

1/ Proposition construite en séance à partir d’une phrase prononcée par une participante : « Elle avait son cœur dans son sac »
2 / Les mots proposés par chaque participant sont intégrés dans le texte : animal; animosité; tempête; fièvre; fourneau
La phrase «Elle avait son cœur dans son sac » sera utilisée soit au début du texte, au milieu, ou à la fin du texte.

La création du monde (bis)

Je n’oserais pas dire que je n’ai rencontré aucun animal, en zigzaguant autour de l’étang.
Par un après-midi chaud et poisseux, où je marchais dans l’odeur putride des marécages, j’ai posé le pied droit sur un caillou.
J’ai glissé, glissé, jusqu’au sol et ma main, tendue instinctivement, a touché un reptile. Je crois que c’était un serpent. Nous n’avons pas eu le temps de nous regarder au fond des yeux. Il rampait vite vers son destin, dont j’ignorais tout.
Je n’avais aucune animosité envers cette créature divine. Je prévoyais de lui proposer un moment de récréation.
Puisqu’il était présent le jour J, dans le fabuleux jardin d’ Éden, puisqu’il avait suivi de près toute l’affaire, non élucidée soit dit en passant, de la pomme fatale, il avait forcément une histoire à raconter; une histoire de création, un récit de matin du monde, de genèse, de jeunesse et de fraîcheur, dans notre vieil univers pourri.
Jamais je ne saurai ce que le serpent m’aurait confié. Le mystère reste entier. Je suis retourné plusieurs fois dans ce paysage humide, entre étang et marécages J’y suis allée par beau temps, puis un jour de tempête.
Je n’ai pas revu le serpent, mais j’ai rencontré Ève. Elle avait son cœur dans son sac.
C’est la première information qu’elle m’a donnée.
Ève n’était ni grande, ni blonde, ni extravagante. Elle était mignonne, juste un peu l’air égaré, avec ses ballerines plates, son ruban dans les cheveux, son petit sac à main. Ève n’était pas une femme fatale mais une fille comme les autres, en apparence.
Je me sentis mal à l’aise, face à elle. Je ne pouvais mettre un mot sur la cause de ce trouble, jusqu’à ce que je surprenne cette fièvre dans son regard. Les fièvres des marais avaient envahi ses yeux dorés et cette phrase : « J’ai mon cœur dans mon sac » aggravait mon malaise.
Elle s’assit au bord du sentier et entreprit de sortir le contenu de son sac. La crainte de voir apparaître son cœur faisait battre le mien à une allure démente.
Ma vision se troubla, mes jambes tremblèrent, et je sentis le chemin se dérober sous mes pieds.
La dernière image que j’eus de ce monde fut celle d’un haut-fourneau, d’où s’échappait mollement une fumée bleutée, pendant qu'Ève brandissait le cœur palpitant, sorti de son réticule.

Odile Martin-Chareyre

 

Mardi 26/10/2010

Les chuchotements du vent

Écrire un texte évoquant la musique ou le bruit du vent
Intégrer des mots évoquant une perception sonore
Mots musicaux
Cris d’animaux
Comparaison avec des appareils (mécaniques, électriques etc.)
Propositions de mots ( à utiliser si on en a besoin) : Chuintement, hurlement, hululement, feulement, frottement, gémissement, cri, claquement, sifflement, vacarme, musique, tempo, rythme, staccato, battement, pleur, stridence, zinzinuler…

Léo de Hurlevent

Il habite au coin de la rue, juste à l’angle. Vous voyez où je veux dire ? Près du garage, pas loin des conteneurs débordants, vomissant leurs ordures.
- Personnellement, je n’ai jamais laissé entendre que Léo était une ordure.
- Ah, mais moi non plus. Nous parlons du même Léo ?
- Oui, celui qui a collé des lettres fantaisies sur son portail. « Hurlevent » il a nommé sa maison. Si vous lui demandez pourquoi, jamais il ne répondra : « Parce que je m’appelle Léo ». Non, non, il dit : « Parce que j’ai des Lettres »
- Ben oui, tu as le H, le U, le R, et le…
- Arrête ! Il dit qu’il a des Lettres : ça veut dire qu’il a beaucoup lu, qu’il lit encore et qu’il a fait des études, de Lettres, justement.
- À mon avis, c’est surtout parce que, chez lui, le vent hurle plus fort qu’ailleurs C’est un festival de volets qui claquent, de gémissements dans la cheminée, de frottements de branches contre la façade.
- Certains, dans le quartier, prétendent que tout ce bruit, c’est pas de l’ordinaire, parce que Léo est musicien. Chez lui, le vent offre des concerts. Certains soirs de grande symphonie, la femme de Léo met sa robe longue en satin noir, toute brodée de perles. Elle s’assoit dans le fauteuil en velours rouge. Là, elle retire lentement ses gants très longs, en tirant doucement, un doigt après l’autre, puis elle se laisse aller contre le fauteuil et elle soupire.
Alors, Léo, avec son costume de chef d’orchestre, ses cheveux bouclés, un peu longs sur la nuque, et sa baguette, s’installe devant son lutrin et annonce : « Première ou deuxième ou dixième « symphonie du vent » ».
La musique descend du plafond, ouvert sur la nuit, étoilée ou ennuagée ou sombre ou lumineuse. Elle se répand dans toute la maison. Les battements du vent parcourent le salon; ses pleurs et ses chuchotements viennent effleurer la femme de Léo, tout contre son épaule nue. Souvent, elle gémit et, même, elle sanglote. Quand elle crie et hurle, au point que sa voix domine celle du vent, Léo l’emporte dans ses bras, jusque dans leur chambre.
Il lui murmure des mots anglais qu’ils sont seuls à comprendre et le vent ferme leur porte dans un cri de passion.

Odile Martin

 

 

Mardi 16/11/10

À partir de quelques ingrédients, écrivez une recette de préparation, de manière poétique (en vers ou non), comique, dramatique, ironique, en chanson (au choix).

 

 

Recette créole

Trois cuillerées de rhum bien pleines ma tigresse
Que tu boirais d’abord, avant que tu n’m’agresses
Un tonnelet de sucre grossier ou bien candie
Pour que ton caractère soit doux et bien gentil

Ma doudou ma doudou ne crie pas ne crie pas
Je vais te cuisiner à la mode de là-bas

Une plaque de beurre pourrait bien t’attendrir
Et te faire glisser dans mes bras à loisir
Si on met d’la levure, ça pourrait fair’ gonfler
Les atouts de la dame que l’on veut cajoler

Ma doudou ma doudou ne crie pas ne crie pas
Je vais te cuisiner à la mode de chez moi

Puis je te mangerais par en haut par en bas
Et je te croquerais, tu n’te débattras pas
Tu te tortilleras sur un air de séga
Je t’accompagnerai et l’on s’accordera

Ma doudou ma doudou tu n’crie pas tu n’crie pas
Ma doudou ma doudou je vois que tu aimes ça

Nicole

 

 

Recette ensoleillée

La farine mêlée à de gros œufs
Accueille la brandade de morue
Se fait lisser, embaumer grâce à
La cuillère à soupe d'huile d'olive.
Telles des météorites les olives noires
Ciselées en petits morceaux viennent
S'agglutiner au mélange auquel
Il faudra ajouter le fromage à trous
Ainsi que l'indispensable monte-gâteau, la fameuse levure.
Il ne manquera plus qu'à saupoudrer en pluie, avec parcimonie, le poivre.

Marie-Hélène

 

 

Mardi 30/11/2010

« Les mots des mets »
Série d’ateliers ayant pour point de départ les mets et les repas

Cuit-cru – chaud-froid
Mots rassemblés : salade, bulot, lapin à la moutarde, croustillant, vaporeux, champagne, vapeur, mêlé, crevette, torréfié, aromates, horaires, parfumé.
Écrire un texte bref ne parlant pas directement de repas mais utilisant les mots rassemblés
Caricature, pamphlet, etc.

La môme crevette

L’horaire avait été fixé et la môme aux cuisses de crevettes arrivait à toute vapeur sur son engin psychédélique qui semblait marcher au champagne tant il hoquetait. Elle le gara près de l’imposte et martela le sol énergiquement jusque dans le hall où elle pénétra.
Les restes d’un chignon vaporeux avaient été explosés par le casque intégral et surmontaient son minois aux grands yeux de bulot étonnés. Elle n’avait pas été avare avec le maquillage et paraissait, tel un lapin à la moutarde, ne rien montrer de ses traits enfantins.
Son parfum capiteux distillait des odeurs d’aromates exotiques avec pour note de cœur une goutte de café fraîchement torréfié. Ces arômes mêlés eurent tôt fait d’appesantir l’atmosphère et se répandre jusqu’au petit salon.
Les hôtes éberlués se tenaient debout, muets et immobiles, oubliant l’usage et les bonnes manières.
Alors, froissant bruyamment le cellophane d’un paquet de cigarettes, sans gêne aucune pour le bruit croustillant et l’incongruité de la scène, la môme s’assit confortablement dans une vieille bergère en allumant sa cibiche et commença, sans y être invitée, à raconter ses salades.

Nicole

Repas familial

Cette Chantilly était devenue un rituel comme notre tenue du dimanche. Ma mère arborait pour l'occasion son joli tailleur pied-de-poule. Seule ombre au tableau c'était mon père, faisant les trois huit il n'était pas toujours présent.
Une salade en mêlée formait avec les bulots et les crevettes la ceinture. De vaporeux parfums émanaient de cette dernière. Soudain, surgirent de nulle part du champagne; un lapin à la moutarde et au croustillant baignant dans ses aromates.
Il détala dare-dare quand il vit les horaires pour se faire torréfier. Comme un lézard au soleil.

Marie-Hélène

 

Repas comme un reflet de la société
Choisir un type de repas : brasserie, repas de communion, de famille, en amoureux, dans un restaurant gastronomique, au fast food …
Sans parler des mets (juste en les évoquant) décrivez la société dont elle est le reflet.

Les douze coups de midi

L'aïeul commençait à s'impatienter; il est vrai qu'à leurs âges, l'heure c'est l'heure. C'eût été un sacrilège que ne pas respecter l'horaire.
La maîtresse de maison servait l'entrée tandis que les hôtes discutaient âprement de la météo, si ce n'était de la politique. S'ils parlaient de cette dernière, souvent cela finissait en pugilat ce qui jetait un froid à la table où était réunie la famille.
Les enfants chahutaient entre eux ce qui n'était pas du goût des vieux. Et comme d'habitude ils boudaient l'entrée, surtout si c'était de la salade.
La maîtresse de maison ne s'asseyait que rarement, étant toute affairée au service.
Vint le second plat, savamment cuisiné par l'hôtesse; même s'il était simple il n'en demeurait pas moins succulent. Les vieux rompaient le pain et se servaient du vin rouge tiré des vignes. Les enfants étaient ravis d'être au second plat. Ce dernier ne fit pas un pli car les aïeux n'étaient pas les derniers à en redemander.
Puis, vint le moment du fromage, le fameux coulis de la bergerie d'à-côté. Là les langues se délièrent pour savamment discuter du vin tiré ou du fromage fabriqué.
Pendant que les vieux s'essuyait machinalement d'un revers de la manche, les plus jeune trépignaient d'impatience quand à l'arrivée du dessert. Se fut une tarte tatin faite avec les pommes du verger.
Enfin, la maîtresse de maison pouvait s'asseoir un peu en attendant que le café passe.

Marie-Hélène

 

Mardi 07/12/2010

« LE PIANO QUI DANSE »

  • intégrer les mots : marrons chauds, jazz, neige, doigt, oreille, tomber, clochette, refrain, pluie, rêver, touche, ficelle, vérité

  • présenter la scène à la fois de près et de loin (panoramique, zoom)

  • la scène se déroule de nuit

  • le titre est « Le piano qui danse »

La nuit commençait à tomber dans une chaleur torride. Isabelle s'affairait à se préparer en vue du concert nocturne. Elle lissait aux doigts ses bouclettes dorées qu'elle domptait derrière ses oreilles. Elle s'appliquait du fard à joues, du fard à paupières par petites touches. Elle chaussait ses pieds de jolis escarpins.
Puis, un bruit de clochettes pendues à une ficelle se fit entendre. Ça aller être le moment de vérité. C'était son fiancé qu'elle éblouirait grâce à son savant maquillage exposé à la lumière du réverbère. Il l'attendait avec un parapluie car le temps s'était gâté. Elle paraissait toute frêle et naturelle, sans fards, à l'abri de ce grand parapluie. Le long du trajet qu'ils firent elle se plaisait à rêvasser au pianiste qui jouerait un morceau de jazz.
Enfin, ils arrivèrent. Elle était éblouie par la splendeur du bâtiment classé au patrimoine français. Il était d'un majestueux avec ses multiples vitres et ses lustres aux nombreuses ampoules. Elle resta un moment interdite quant à tant de beauté. Elle osait à peine fouler de ses escarpins neufs le tapis rouge qui paraissait ne plus en finir.
Elle alla avec son fiancé s'asseoir. Ils paraissaient touts petits tant tout était dans la démesure, à la hauteur des spectacles joués.
Le pianiste entama un air; le public reprit en chœur le refrain. Il paraissait tout petit derrière son énorme piano à queue et la grande scène. Il laissa vagabonder ses doigts agiles dansant sur les touches et il flotta un air d'envoûtement.

 

L'année des bacs 78, et je décrochais le tableau de ma vie dans le bleu comme l'enfer; derrière les barreaux, je veux, je veux, je veux, je veux... voguer à l'enseigne du grand galion. Sous la bille de mon stylo bic je me plais à rêvasser de courir dans les champs.
Pouh ! Ça y est, on a fait sauter le bouchon de champagne car j'ai décroché mon bac. Tel un canal qui déborde les verres s'emplissent. Même Poil de carotte, le benjamin de la famille, a eu droit à sa larme de champagne.

Marie-Hélène

 

MARDI 14/12/2010

Construite interactivement avec les participants
Écrire un texte rageur
Y introduire les mots : « los trabaros de la guerra «, « see you later », « e pericoloso », nuit.

« Quand la neige fond, où va le blanc ? »

E pericoloso laisser libre cours à ses instincts. Balancer la bouteille à travers la pièce et souhaiter qu’elle explose. Que la bouteille éclate, et les vitres aussi, qui recevront l’impact.
Dans un phylactère couleur de sang, voir inscrit le nom maudit, le nom adoré, le nom de la folie blanche.
Écrire le hurlement, et décréter : « Los trabajos de la guerra empiezan esta tarde ».
Non, je ne dirai pas : « See you later ». Je dirai « See you plus jamais »; si vous ne comprenez pas, venez me demander. Je vous attends, ma haine, mon amour.
J’ai dans ma chambres aux couleurs tendres des gants de boxe rouges. Je les brandis en riant au bout de mes poings serrés et je vous dis :
- You are my punching-ball. Tu as peur ?
- Yes, I do.
- Tant mieux. Es lo que se necesita para los trabajos de esta guerra qui n’en finit plus. Cette guerre jamais déclarée, cette accumulation pericolosa d’émotions et de sentiments. Cette rage, cette rage en moi.
- Mais pourquoi tant de haine ? me direz-vous, amore moi.
- Parce que pas d’amour, parce que pas de mots, pas de mots prononcés, pas de mots dits.
Maudit, maudit, maudit sept fois. Ce que tu vois c’est bien mon poing fermé face à ton visage. Ce que tu entrevois, c’est bien le carnage.
Dis ta prière, Tom Dooley, ce soir tu vas mourir.
- Ah ! vous répondez ?
- Non, non, attends. See you later. E pericoloso. Pose les gants de boxe. Respire, respire. Attends, attends.
- Trop respiré ; trop attendu. Envolée décisive de la douceur dans la blancheur de la nuit. Tu vois où va le blanc de la neige ? Dans le blanc des nuits rouges.

Odile M.- Chareyre